Un échec laisserait la voie libre au bilatéralisme

Montée du protectionnisme, multiplication des accords bilatéraux, perte de crédit de l'Organisation mondiale du commerce (OMC)... Les partisans d'un accord à l'OMC, dans le cadre du cycle de Doha, prédisent des retombées négatives de tous ordres en cas d'échec à Genève. Sur le premier point, certains experts voient surtout la volonté de certains de dramatiser la situation pour inciter les négociateurs à éviter le " pire ". " L'OMC et ses règles actuelles survivraient bien sûr à un échec ", réagit Olivier Prost, associé chez Gide Loyrette Nouel. Quant au risque de voir l'Europe ou les États-Unis ériger des droits de douane infranchissables ou accroître leurs aides à l'agriculture ? " Peu d'hommes politiques plaideraient en ce sens ", considère Olivier Prost.Les contraintes budgétaires aux États-Unis et en Europe ne sont guère favorables et la logique malthusienne des réformes de la politique agricole commune (PAC) non plus. En revanche le climat des affaires pourrait se détériorer. " On pourrait assister à une augmentation des actions auprès de l'organe de règlement des différends ", estime cet expert. Ce tribunal, sous l'égide de l'OMC, juge et condamne les contrevenants aux règles des échanges.Mais s'il est une conséquence certaine d'un échec partiel ou total à l'OMC, c'est bien la montée du bilatéralisme. " Si Doha échoue, c'est le multilatéralisme qui en subira les conséquences ", alertait récemment Pascal Lamy, directeur général de l'OMC. "Et s'il y a une poussée du bilatéralisme, ce sont les petits pays qui en subiront les conséquences car ils devront accepter des conditions qu'ils n'accepteraient pas à l'OMC " compte tenu du rapport de force qui s'instaure dans une relation bilatérale, prévoit-il. Une telle issue " serait à l'opposé de ce qui est visé par le cycle de Doha : rééquilibrer le commerce international en faveur des pays en développement ", ajoute Pascal Lamy.Les états-Unis très actifs. Aujourd'hui déjà un peu moins de la moitié du commerce international est régi par des accords commerciaux préférentiels entre pays ou groupes de pays. Plus de 190 accords ont été enregistrés à l'OMC, qui table sur une centaine d'accords de plus avant la fin de la décennie. Les États-Unis sont très actifs en matière d'accords de libre-échange (ALE) et aussi les plus exigeants : l'Amérique du Nord (Alena), l'Amérique centrale (Aleac), Singapour, l'Australie... Des négociations sont en cours avec la Corée, la Thaïlande, la Malaisie notamment. De tous les accords, celui conclu avec le Maroc est sans doute celui qui a le plus ébranlé l'Europe.Celle-ci " est la zone du monde qui a négocié le plus grand nombre d'accords, mais ils sont modestes ", commentait hier la ministre française déléguée au Commerce, Christine Lagarde. L'Europe compte déjà quelques ALE ou accords tendant vers le libre-échange avec le Chili, l'Afrique du Sud, les pays du Maghreb...Tout en réaffirmant sa priorité pour le multilatéralisme, Peter Mandelson, commissaire européen au Commerce, prépare de nouveaux accords de libre-échange. Il a lancé une étude en ce sens avec l'Asean, tout en menant des discussions techniques avec la Corée du Sud. Sans doute l'Europe sera-t-elle tentée de reprendre langue avec les pays du Golfe et avec ceux du Mercosur (Brésil, Argentine...) avec lesquels les négociations ont échoué. Selon un ancien directeur général de l'Agriculture à la Commission à Bruxelles, " l'Europe obtiendrait davantage dans un accord bilatéral avec un pays comme le Brésil qu'à l'OMC où la Chine inquiète par ses ambitions ".
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