Le courtier Marsh transige au prix fort avec la justice de New York

Eliot Spitzer, le procureur général de l'Etat de New York, est habitué aux transactions record. Après avoir obtenu 900 millions de dollars des banques d'affaires américaines en décembre 2002, il vient de conclure un accord avec Marsh & McLennan (MMC) pour 850 millions. Le premier courtier en assurances du monde met ainsi fin à la procédure judiciaire qui avait été engagée contre lui par la justice, qui lui reproche d'avoir empoché des commissions de la part des compagnies, et ce à l'insu de ses clients. Les 850 millions versés par MMC serviront d'ailleurs à indemniser les entreprises clientes de Marsh.Dans le communiqué publié hier, le courtier précise que la somme en question ne comprend aucune amende et qu'il s'engage à coopérer avec les autres actions judiciaires engagées par Eliot Spitzer dans le monde de l'assurance. Les dirigeants de Marsh font enfin amende honorable en s'engageant à travailler aux côtés du procureur (attorney general) pour "réformer la profession et prendre des initiatives en matière de gouvernement des entreprises qui pourront servir d'exemple à la profession".Cette transaction, d'un montant record pour une seule société, constitue une nouvelle victoire pour Eliot Spitzer, qui, avant de briguer le poste de gouverneur de New York, a fait de la lutte contre les pratiques du monde de l'assurance son cheval de bataille.Appels d'offres truqués. Le système mis au jour par Eloit Spitzer reposait sur des appels d'offres truqués auxquels participaient des compagnies d'assurance. Certaines acceptaient de soumettre aux entreprises clientes de Marsh des propositions qu'elles savaient ne pas pouvoir être retenues. D'autres compagnies, à l'inverse, étaient sûres de l'emporter, et pour cela payaient des commissions dites "contigentes" à Marsh. Le courtier, contrairement aux usages, ne percevait pas de revenus de ses seuls clients.Selon les termes de l'assignation d'Eliot Spitzer, les clients de Marsh n'ont bénéficié ni des meilleurs prix ni des meilleures couvertures. Quant aux compagnies qui ont refusé d'entrer dans le système, elles ont purement et simplement été écartées du marché. Les entreprises qui auront droit à une indemnisation dans le cadre du fonds de 850 millions mis en place sont celles qui ont souscrit à une police entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2004. Pour toucher des fonds, elles n'auront pas à apporter la preuve d'un dommage ou d'une faute du courtier. Leur réparation sera proportionnelle au montant de leur prime et à celui des commissions perçues par Marsh.Ce dernier sort affaibli de cet épisode. Financièrement tout d'abord, même si les paiements seront étalés sur trois exercices (255 millions les deux premières années, 170 les deux suivantes). Surtout, les commissions contingentes ont représenté jusqu'à la moitié de ses bénéfices. Image. Le dommage est ensuite sensible en termes d'image. Le communiqué publié hier a ainsi des allures de mea culpa. Le groupe indique regretter profondément "que certains de ses collaborateurs [aient] failli et n'[aient] pas été à la hauteur de l'histoire du groupe en matière de service à ses clients". Peut-être Jeffrey Greenberg doit-il se sentir visé. L'ancien président de Marsh a été poussé à la démission à la suite de ce scandale. Il a été remplacé en octobre dernier par Michael Cherkasky, jusqu'alors patron de Kroll, une filiale bien connue de MMC spécialisée dans l'intelligence économique.Ancien procureur lui-même, Cherkasky n'a aucune expérience du monde de l'assurance, mais sa première mission était d'éteindre l'incendie judiciaire qui menaçait la maison Marsh. C'est aujourd'hui chose faite, au prix fort.Pascal Hénisse
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