« On ne peut que regretter l'absence de contre-pouvoir »

« La Tribune ». - Les rapports entre la chambre d'accusation et les avocats sont historiquement tendus. Qu'en est-il ? Bernard Vatier. - Nous avons des relations difficiles qui tiennent d'abord à des facteurs matériels, les conditions d'attente avant l'audience pour les avocats sont déplorables. La deuxième raison tient à la surcharge de travail de la chambre d'accusation. Vient ensuite une frustration des avocats liée à la procédure elle-même parce que le fond du droit n'est pas évoqué. Les avocats ne sont en effet pas autorisés à plaider mais seulement à émettre des « observations », sans que le fond du dossier soit évoqué. Enfin, il existe dans certaines chambres d'accusation des relations personnelles qui, parfois, sont faites de vive agressivité, voire d'humiliation, à l'égard des avocats. Ceux-ci peuvent se sentir méprisés. Le principal reproche ne provient-il pas de la confirmation quasi systématique des décisions du juge d'instruction par la chambre d'accusation ? - On ne peut que regretter l'absence de contre-pouvoir. Dans l'affaire en cours, le danger de l'automatisme de certaines pratiques se fait sentir : le greffier a peut-être, par habitude, anticipé la signature du document. On peut penser qu'il y a de véritables « pré-décisions », qui ne laissent pas de place à la prise en compte ultérieure des débats. La chambre d'accusation se contente alors d'entériner purement et simplement les déci- sions du juge d'instruction. Quelles sont, selon vous, les évolutions souhaitables ? - La chambre d'accusation, qui contrôle l'instruction, doit pouvoir s'opposer aux juges d'instruction dont on a dit que c'était l'institution la plus puissante de France. Un système de contre-pouvoir à la chambre d'accusation doit également être mis en place. Lorsqu'un magistrat est critiquable, on ne peut quasiment rien faire : le système n'est pas autorégulé. Le barreau devrait pouvoir saisir le Conseil supérieur de la magistrature. Nous souhaitons des recrutements différents à la chambre, pour éviter les parcours exclusivement pénaux de magistrats. L'idéal serait d'avoir un statut interdisant à un juge d'instruction ou à un juge pénal de rejoindre la chambre d'accusation s'il n'a pas fait, dans l'intervalle, cinq ou huit ans de justice civile. En outre, le président de la chambre d'accusation ne devrait pas être nommé pour plus de trois ans. Au nom de l'indépendance, il faudrait inventer le « turn over ». La deuxième série de propositions vise à la création d'un « juge des libertés ». Il statuerait en matière de demande de mise en détention à la place des juges d'instruction qui s'auto-saisissent en ce domaine. La chambre d'accusation n'interviendrait qu'en appel des décisions du juge des libertés. Devant ce dernier, le parquet devrait justifier sa décision de demande de détention. Je suis persuadé qu'il y aurait moins de procédures d'appel car moins de mises en détention provisoire. Propos recueillis par G. L. S.
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