Les hommes du chiffre s'interrogent sur leur avenir

Quel visage offrira demain la profession du chiffre ? La refonte de la formation des auditeurs cristallise les craintes sur une possible séparation entre les professions de commissaire aux comptes et d'expert-comptable et ravive la guerre d'influence que se livrent leurs instances représentatives respectives.Aujourd'hui le diplôme d'expertise-comptable est la voie privilégiée d'accès au commissariat aux comptes : son titulaire est inscrit sur la liste des commissaires aux comptes après un stage de deux ans chez un auditeur légal. Il existe aussi un certificat d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes, mais il est largement délaissé : moins de vingt personnes en sont devenues titulaires en 2004.Demain, tout pourrait changer. Premier point : la réforme du diplôme d'expert-comptable, en cours depuis dix ans mais qui devrait aboutir cette année. L'idée est de moderniser le contenu de ce diplôme d'Etat et de l'ouvrir à tout détenteur de mastère, dans un esprit d'ouverture et d'attractivité renforcée de la profession. Mais consultée - dès l'origine - sur ce projet, la chancellerie a jugé, par un courrier de décembre à l'Education nationale, que cette réforme "ne peut qu'appeler de vives réserves", car accentuerait la fusion des deux activités au moment même où est promue en France et à l'étranger la séparation nette des fonctions d'audit et de conseil.Confusion. Pour William Nahum, président du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC), "il existe une confusion inacceptable entre la nécessaire séparation de l'audit et du conseil et celle des deux professions". Invités à donner leur sentiment sur la question, près de 11.000 experts-comptables sur un total de 17.500 se seraient d'ailleurs dits opposés à 98 % à ce que leur diplôme ne permette plus l'accès au commissariat aux comptes. Si tel était le cas, leur profession en sortirait sans nul doute affaiblie.Bref, explique William Nahum, "nous avons d'ores et déjà adapté notre diplôme aux nouvelles spécification de la formation nécessaire aux commissaires aux comptes". Le président du CSOEC, finalement invité à présenter un dossier sur la question au garde des Sceaux, est en tout cas prêt à la discussion.Reste que la chancellerie mûrit en parallèle une réforme de la formation des commissaires aux comptes, via une ordonnance attendue avant l'été. "Aujourd'hui, le diplôme d'expertise-comptable comprend peu de passerelles, ce qui en détourne de nombreux étudiants, rebutés à l'idée de reprendre la formation du début, explique Michel Tudel, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC). L'objectif est donc de moderniser le certificat d'aptitude aux fonctions de commissaire aux comptes et d'en faciliter l'accès aux étudiants des grandes écoles."Bref, mêmes mots d'ordre que les experts-comptables - ouverture et attractivité - mais avec des moyens différents : les auditeurs légaux ne veulent plus dépendre du diplôme d'expert-comptable géré par l'Education nationale. Le but est de bénéficier d'une formation gérée par la profession, comme cela se fait à l'étranger où "les professionnels maîtrisent leur voie d'accès, ce qui leur permet une plus grande réactivité", juge Michel Tudel.A ceux qui soulignent le risque sous-jacent de séparation des professions du chiffre, ce dernier répond qu'il "n'y a pas lieu de s'alarmer. Une réflexion sera menée sur les équivalences réciproques à mettre en place entre expertise-comptable et commissariat aux comptes". Reste à savoir ce qu'en pensera le successeur de Michel Tudel, qui reprendra le dossier dès demain...Alexandra Pétrovic
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