Pour une externalisation maîtrisée

Le sourcing stratégique désigne l'approche globale des entreprises qui décortiquent toute leur chaîne de valeur (RH, achats, juridique, production, R&D, marketing, etc.) afin de trouver les meilleures compétences (internes ou externes) pour chaque activité. Quels sont mes domaines d'excellence ? Quels sont mes avantages concurrentiels ? Où sont localisés mes technologies et mes processus clés ? Telles sont les questions que doit se poser un décideur avant d'externaliser ou de délocaliser certaines activités."Les dirigeants qui réfléchissent à l'externalisation dans l'Hexagone prônent une approche trop fonctionnelle. Il ne faut pas seulement se poser la question pour un centre d'appels ou le service comptabilité, le décideur doit avoir une vision globale en dressant l'inventaire de toutes les fonctions de l'entreprise", souligne Bertrand Pointeau, partner chez Bain. Un impératif alors que les firmes externalisent des pans entiers d'activités sans toujours se préoccuper du contrôle de leurs ressources critiques.Pression sur les coûts, flexibilité, recentrage sur leur coeur de métier, développement du marché des prestataires, les raisons sont nombreuses qui poussent les entreprises à multiplier les partenariats. La chaîne de supérettes 7-Eleven a mené pour sa part une vraie réflexion dans ce domaine. C'est une baisse inquiétante de la rentabilité des points de vente qui a conduit le président actuel, James Keyes, à décortiquer toute la chaîne de valeur de l'entreprise. "L'entreprise était totalement intégrée. Cela impliquait une multitude de savoir-faire avec des compétences souvent insuffisantes et des volumes trop faibles pour faire pression sur les coûts", relate Bertrand Pointeau(*), qui précise que "7-Eleven possédait même les vaches qui fournissaient le lait dans les magasins".Fournisseurs compétiteurs. A partir de la question clé : quel est véritablement mon coeur de métier ?, la société a complètement transformé son business model. La chaîne de supérettes a conservé en interne l'activité merchandising (organisation des magasins et linéaires) et les données sur le comportement d'achat des clients. Des partenariats ou des accords de joint-venture lui ont permis de concevoir, avec une pléiade de fournisseurs, des produits spécifiquement adaptés à ses besoins et de sous-traiter toute la fabrication et la logistique des produits frais. Si cet exemple semble probant au regard des 27.900 points de vente actuels dans le monde, Bertrand Pointeau pointe néanmoins du doigt les erreurs fréquemment commises par les dirigeants. "On ne peut pas externaliser un processus mal maîtrisé. Souvent, le décideur prend une activité qui ne fonctionne pas et décide de la sous-traiter pour réduire ses coûts. C'est une erreur, il ne fait qu'exporter le problème", martèle l'intéressé, qui recommande de bien réfléchir à la conduite du processus."Ce qui est important aujourd'hui pour une entreprise, c'est moins de posséder des actifs que de contrôler des savoir-faire", rappelle Bertrand Pointeau. C'est un fait, alors que l'outsourcing touche des activités de plus en plus stratégiques (R&D, vente) la gestion des partenariats tend à devenir cruciale. "Le sourcing stratégique nécessite la mise en place d'une ''gouvernance des compétences''", observe Laurence Capron, professeur de stratégie à l'Insead, qui précise que l'un des dangers réside dans la perte d'une partie du savoir-faire de l'entreprise et dans la dilution de ses droits de propriété intellectuelle. "Il faut créer des procédures pour protéger les compétences clés. Certains fournisseurs peuvent devenir de redoutables compétiteurs", rappelle Laurence Capron, ajoutant que "certaines entreprises ont créé de nouvelles fonctions autour du management des alliances pour prévenir ces risques".Sandrine L'Herminier(*) Le sourcing stratégique a fait l'objet d'un article publié dans la Harvard Business Review (février 2005).L'automobile développe des alliances pour faire évoluer ses compétencesLes constructeurs automobiles s'inscrivent dans une logique d'alliances et de partenariats de longue date. En France, le groupe PSA a profité du rappro-chement de ses deux marques pour faire évoluer ses métiers en interne et rechercher de nouveaux savoir-faire à l'extérieur. Peut-on pour autant parler de sourcing stratégique ? Pas vraiment. La politique d'externalisation répond moins à une vision globale qu'à une approche pragmatique de réduction des coûts et de respect du calendrier. C'est ce qui conduit le groupe à nouer ou dénouer des partenariats en fonction de l'évolution des marchés et des technologies. "Nous avons cédé à un fournisseur notre usine de Rennes La Barre Thomas qui fabriquait des élastomères car ce n'est plus une activité stratégique pour le groupe. En revanche, nous avons réinternalisé la fabrication des nouveaux modèles break dans nos usines", souligne Victor Mallo, directeur de la stratégie industrielle chez PSA. Si la part de la sous-traitance reste maîtrisée, passant de 62 % à 70 % en dix ans, ces partenariats nécessitent de mettre en place des mécanismes organisationnels d'apprentissage et de protection des compétences en interne.
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