Mieux cibler les aides à l'innovation

Àl'heure où le Pacte pour la recherche présenté par le gouvernement met en avant la création d'un Haut Conseil de la science et de la technologie pour formuler des recommandations sur les grandes orientations de la France, le service de prospective Futuris, lancé par l'Association nationale pour la recherche technique, vient de présenter un instrument d'aide à la définition de priorités de recherche et d'innovation (*).Le groupe de travail présidé par Germain Sanz, ex-directeur de l'innovation d'Arcelor, part du constat que la France ne s'est pas encore dotée d'outils adaptés aux spécificités sectorielles qui lui permettent d'instruire les priorités pour sa politique de recherche et d'innovation. "Nous avons mis au point une grille d'analyse dynamique qui met en évidence toutes les facettes des problématiques concernées." Le document examine des cas très différents : des secteurs économiques, comme le médicament ou l'automobile, et des défis plus focalisés, comme les biocarburants ou la nanoélectronique.Effets d'entraînement. Sept rubriques ont ainsi été définies pour l'étude : le poids économique du secteur étudié ; le positionnement concurrentiel des acteurs ; l'intensité de leur R&D ; les différents défis technologiques, scientifiques, industriels mais aussi réglementaires, commerciaux, fiscaux, auxquels ils sont confrontés ; les effets directs des différents outils de soutien ; enfin, les effets d'entraînement attendus sur la compétitivité d'autres secteurs, sans oublier les opportunités de développement dans un cadre européen ou mondial. Pour Vincent Charlet, rapporteur de l'étude, l'analyse met en évidence plusieurs éléments : "Le secteur des systèmes de logiciels de gestion du trafic aérien (ATM) et le secteur automobile ont en commun d'être confrontés à des défis commerciaux majeurs mais à des défis scientifiques faibles. L'agroalimentaire, l'édition logicielle, le médicament et les biocarburants doivent, eux, faire face à des défis scientifiques modérés au regard de l'importance de leurs enjeux commerciaux ou réglementaires. Les biotechnologies et la nanoélectronique [voir focus] sont pour les industriels les deux cas où l'impératif scientifique est majeur."Une fois la cartographie dressée, l'objectif est de déterminer quels secteurs soutenir en priorité, quels sont les défis auxquels chacun d'entre eux est confronté, et quels sont les modes d'action les plus appropriés. Les secteurs sur lesquels les mêmes instruments publics ont un impact important sont généralement voisins. Par exemple, les centres régionaux pour l'innovation et le transfert technologique (Critt) semblent bien adaptés à des secteurs économiques dont la plupart des entreprises sont de taille modeste et peu intensives en technologies, par exemple dans l'agroalimentaire. Les médicaments issus des biotechnologies et la nanoélectronique sont les seuls cas, avec l'édition logicielle, ayant mentionné l'essaimage et l'activité des incubateurs comme ayant un impact essentiel. Ces mêmes domaines ont besoin de la recherche académique. L'impact de la recherche publique est notable également dans les biocarburants, les nanotechnologies silicium, la pharmacie et l'agroalimentaire. Enfin, les secteurs pour lesquels les grands programmes et les instances de concertation européens peuvent avoir un rôle clé sont l'automobile, l'ATM et de nouveau la nanoélectronique. Les réseaux de recherche collaborative sont particulièrement ad hoc pour les biocarburants et l'édition logicielle. Restent les mécanismes juridiques, réglementaires et fiscaux. Ils sont déterminants pour les biocarburants, l'industrie automobile, l'édition logicielle, le médicament et l'ATM.Des défis à relever. Les études de cas ont montré l'importance de problématiques liées à la gestion ou à la programmation de l'innovation. Germain Sanz indique que, "face à la force de frappe des États-Unis sur le plan des normes et des règlements, il faut transformer l'essai. Au-delà de la prise de brevets, on peut tirer un avantage concurrentiel important des retombées de la recherche. La contribution active des chercheurs pour défendre leurs innovations serait un atout capital". Il est, selon lui, nécessaire d'avoir une connaissance intime des problématiques. Or "beaucoup d'industriels ignorent tout de la recherche fondamentale. Ils veulent des solutions mais n'essayent pas de comprendre". Des lieux sont nécessaires pour favoriser le dialogue entre financiers et chercheurs et faciliter la définition d'un langage partagé. Les enjeux liés à la gestion du temps, l'intérêt d'une évaluation de la recherche publique, l'importance de réserver une part des ressources à des approches "hors projet" sont autant de défis à relever.Une telle approche d'identification des domaines à soutenir permet d'envisager ce qui relève d'un financement de la recherche en amont, d'un grand programme ou d'une politique d'aide ponctuelle. Grâce à cette démarche, pense le groupe Futuris, des instances comme le Haut Conseil de la science et de la technologie ou l'Agence nationale de la recherche seraient "en mesure d'instruire les décisions de façon raisonnée et traçable en élaborant des scénarios correspondant à des choix sectoriels, éventuellement avec plusieurs hypothèses de cadrage sur le montant total de l'effort".Yan de Kerorguen(*) "Vers un outil adapté aux spécificités sectorielles."
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