Michel Mercier : "La liberté de manoeuvre est voisine de zéro"

À quoi attribuez-vous la hausse de la fiscalité des départements en 2006 ? - Bien évidemment aux compétences sociales qu'ont désormais les départements. Elles représentent un peu plus de 70 % de leurs dépenses de fonctionnement, mais leur régime est indépendant des décisions du conseil général. Deux exemples : l'APA, l'allocation pour les personnes âgées dépendantes, dont le montant s'accroît naturellement du fait de l'évolution "biologique" du pays. Le vieillissement de la population accroît le nombre de personnes âgées dépendantes. Deuxième exemple : le droit au RMI. Le nombre d'allocataires ne dépend pas des politiques du département, même si le département doit faire tout ce qui est nécessaire pour que le RMI ne soit servi qu'à ceux qui y ont droit. Ces deux exemples montrent que la liberté de manoeuvre des départements est voisine de zéro. Les départements reprochent à l'État de ne pas bien compenser les dépenses liées au RMI. Que faudrait-il faire pour sortir de ce face-à-face ? - Les départements demandent la compensation intégrale de l'indemnité RMI qu'ils doivent verser. Ce n'est pas eux, départements, qui décident que quelqu'un a droit au RMI, c'est la situation des personnes qui le commande et la loi. En 2004, dans le Rhône, la différence entre ce que le département a perçu de l'État et ce qu'il a payé au titre du RMI s'est élevée à 15 millions d'euros. L'État a remboursé cette somme début 2006. En 2005, en dépit d'actions fortes pour gérer au mieux le RMI, ce qui a manqué entre ce que l'on a perçu de l'État et ce que l'on a versé a atteint 25 millions d'euros... Si l'État ne peut pas payer - c'est ce qui lui arrive déjà pour l'APA -, je demande une plus grande liberté dans la gestion du RMI... C'est-à-dire ? - On a un système d'une lourdeur extraordinaire. Quelqu'un demande un RMI. Ce n'est pas le président du conseil général qui donne son accord, contrairement à ce que dit la loi, c'est le service compétent de la Caisse d'allocations familiales. Les relations sont à la fois normales et très compliquées entre le département et la Caisse d'allocations familiales. En 2003, lorsque l'État a transféré le RMI au département du Rhône, il y avait 9,5 millions d'euros de paiements indus. On avait payé des gens qui n'avaient pas droit au RMI pour 9,5 millions d'euros ! Vous souhaitez que le département contrôle davantage. C'est ce que vous faites dans le Rhône, quitte à être critiqué... - Il est tout à fait normal qu'il existe dans notre système social un RMI. J'essaie de faire en sorte que toute personne qui est dans les conditions de bénéficier du RMI ait ce RMI. Mais aussi que ceux qui le perçoivent sans y avoir droit rendent des comptes et ne le perçoivent plus. Or, le mode de gestion du RMI nécessite au moins quatre à cinq mois avant qu'une décision devienne effective. Quatre à cinq mois multipliés par 410 euros en moyenne, cela donne une belle somme... Quel est le résultat de votre politique ? - D'abord, on s'est occupé de tout le monde. Il y avait 32.000 RMistes : personne ne savait trop qui c'était. On a organisé des rencontres avec les allocataires, procédé à des vérifications. Ceux qui étaient en situation de percevoir le RMI nous ont remerciés d'avoir fait ces contrôles. Ils étaient heureux que l'on s'occupe d'eux. Ceux qui n'étaient pas dans la situation de bénéficier du RMI, on le leur a enlevé. En dépit de ces contrôles, nous avons eu à la fin de l'année plus d'allocataires qu'au début de l'année parce qu'il y avait eu, entre-temps, la réforme de l'assurance chômage... Ne faut-il pas envisager de nouvelles recettes pour les collectivités territoriales ? - Il y en a une qui est relativement productive en ce moment, ce sont les droits de mutation à titre onéreux. Le boom de l'immobilier produit des recettes qui permettent d'atténuer l'augmentation de la fiscalité locale... Pour les autres, ce sont des recettes qui n'ont aucun rapport avec nos compétences. La taxe sur les produits pétroliers n'a pas de rapport avec le RMI. La taxe foncière n'a aucun rapport avec la dépendance des personnes âgées. Et, demain, la prise en charge du handicap sera financée par une vague taxe au travers de la journée de solidarité. Je pense qu'il faudra bien un jour que l'on arrive à une vraie réforme et que, notamment pour nos dépenses sociales, on ait droit à une part de la CSG. Une part qui pourrait être départementalisée et qui serait comprise entre un plancher et un plafond. Propos recueillis par P. G.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.