Modèle de société et confiance en l'avenir...

La culture nationale agit comme un prisme à partir duquel nous interprétons, subjectivement, le monde qui nous entoure. Nos prismes culturels français seraient-ils la cause du glissement vers cette " société de défiance " qui caractériserait, selon plusieurs publications récentes, l'esprit de notre pays en ce début de siècle ? Partageant depuis plusieurs années ma vie entre deux pays européens, la France et la Suède, je suis frappé de voir à quel point la confiance que les Suédois manifestent vis-à-vis de leur modèle de société tranche avec cette inquiétude sourde, cette peur d'être laissés sur le bord du chemin que l'on ressent chez un grand nombre de Français.Pourtant, la mondialisation n'a pas épargné le royaume scandinave, dont les gouvernements ont procédé au cours de la dernière décennie à des réformes bien plus brutales que celles que nous avons pu connaître en France : réduction d'un quart des emplois publics, restructurations massives dans les secteurs considérés comme non stratégiques, culture de la productivité dans les hôpitaux, enseignants évalués aux ­résultats.L'explication de cette différence de " climat " est à chercher dans les modèles de société que ces deux pays ont développés. La France est une société verticale, c'est-à-dire une société dans laquelle les échanges significatifs sont ceux qui, dans les représentations collectives, ont lieu entre un (supposé) " sommet " et une " base ". La hiérarchie (là encore supposée) des talents, des statuts, des rangs, continue à y jouer un rôle important. Les rapports sont perçus comme asymétriques et, lorsque deux acteurs sont amenés à coopérer (un manager et son collaborateur, un élu et un administré...), l'un est supposé avoir le pouvoir, l'autre pas. La conséquence principale de cette façon de voir les choses, c'est que, tant que le " sommet " ne bouge pas, rien ne bouge parce qu'" en bas " on attend son signal.La Suède est au contraire un modèle relativement abouti de société horizontale : les relations significatives sont celles qui se déroulent entre " pairs " c'est-à-dire à l'horizontale entre acteurs supposés détenir le même pour voir, le même rang, la même capacité à participer à la décision parce que chacun est porteur d'un talent spécifique avec lequel il contribue au travail collectif. Ceci s'observe nettement dans l'entreprise, où, au fond, le bon manager est d'abord celui qui sait faire émerger l'intelligence collective de l'équipe. C'est aussi manifeste dans l'enseignement, où, dès l'école primaire, l'écolier suédois apprend que l'instituteur n'a pas le monopole du savoir et est encouragé à s'appuyer sur ses camarades pour apprendre et progresser. Dans un tel système, le citoyen fait très tôt l'expérience qu'il est naturellement en capacité d'avoir une influence sur le cours des choses. Certes, son influence est partielle, effective seulement si elle s'agrège intelligemment avec celle des autres, mais en aucun cas elle ne dépend du bon vouloir d'une autorité que se situerait au-dessus.Dans le système français, en revanche, ce sentiment d'autonomie, de confiance que je peux influer sur les décisions collectives - et en particulier sur celles qui me concernent - est sans doute moins présent. Ce qui à mon sens génère plus de doutes, plus d'insécurités et au total une moins grande confiance en la capacité que chacun a en lui à trouver les moyens de s'en sortir. La société française est-elle alors condamnée à rester sur cette position défensive ? Je ne le crois pas. La caractéristique d'une société horizontale est le rôle qu'y joue son " sommet ". À partir du moment où celui-là accepte de s'ouvrir aux influences extérieures, accepte qu'il y ait, en son sein, du débat et une représentation de la diversité des sensibilités de la société, c'est-à-dire qu'il soit lui-même à l'image de la société dans son ensemble, alors il devient vecteur de changement puissant et les transformations se font alors finalement plus vite même que dans les sociétés horizontales qui peuvent parfois se perdre dans une forme de conformisme générée par la recherche sans fin de consensus.
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