Faire rimer Grenelle avec progrès

Le Grenelle de l'environnement est maintenant entré dans sa phase législative. Les parlementaires - qui ont eu le sentiment d'être trop peu associés à ce que le philosophe Luc Ferry a qualifié de " barnum médiatique " - doivent transformer les conclusions du Grenelle de l'environnement en décision politique, ce qui est de leur ressort légitime. Dans ce contexte, les émeutes de la faim rappellent avec cruauté l'importance de traiter la question agricole sans a priori idéologique.Hélas, c'est précisément dans le domaine agricole que les conclusions du Grenelle sont les plus teintées d'utopie, voire de romantisme. Ces conclusions nous semblent en contradiction avec le " produire plus et mieux " du discours présidentiel. Comme le soulignait le ministre de l'Écologie et du Développement durable, Jean-Louis Borloo, le 30 avril dernier, il est surtout nécessaire de " limiter les divers freins à la production ".Accroître la productivité en EuropeL'agriculture doit répondre à de nombreux enjeux qui nécessitent non pas un maintien mais une augmentation quantitative et qualitative de la production. La crise alimentaire actuelle résulte surtout de facteurs structurels, et en particulier de la hausse de la demande alimentaire conjuguée au démantèlement des politiques agricoles, qui ont considérablement réduit le niveau des stocks au détriment de leur rôle régulateur. Cette demande est confrontée à une diminution ­constante des terres exploitables. D'où l'impérieuse nécessité d'un accroissement majeur de la productivité en Europe comme dans le reste du monde. Or les chiffres publiés récemment par le ministère de l'Agriculture indiquent une stagnation du rendement des céréales en Europe, contrairement à ce que l'on observe aux États-Unis ! Dans cette situation, faire progresser les superficies en agriculture biologique à 6 % en 2013 et 20 % en 2020, semble un objectif bien contestable. Ce mode de culture ne répond ni à la proposition de produire plus, ni à celle de produire mieux." Produire plus et produire mieux " exige un progrès dans les pratiques agricoles, mais aussi une plus grande disponibilité des outils pour les agriculteurs. La recherche, publique et privée, est essentielle, surtout si la France veut retrouver son rôle de leader mondial.Autre inquiétude, la problématique des pesticides. Elle ne se réduit pas à exiger moins de molécules et moins de quantités utilisées. Tout comme les médicaments, les produits phytosanitaires doivent être utilisés à leur " juste dose ", c'est-à-dire ni trop - pour des raisons économiques et environnementales - et encore moins trop peu - pour des raisons de développement de résistances et de non-efficacité. Or la dose varie selon la pression des nuisibles, les variations climatiques et les pratiques culturales. En outre, les molécules doivent être variées et la palette la plus étendue possible. L'approche qui consiste à diminuer les molécules disponibles ou les quantités utilisées conduira les filières végétales à de réelles impasses techniques. Elles seront dans l'incapacité d'assurer leur mission de production quantitative et qualitative.L'application de la clause de sauvegarde à l'OGM MON 810 pose un problème moral. S'il existe un doute sérieux quant à son innocuité pour la santé ou pour l'environnement, comment comprendre que l'on en permette l'importation ? Cela ne peut qu'entraîner une confusion dans l'esprit de la population et un sentiment d'injustice chez les agriculteurs. Mais, surtout, la loi sur les OGM ne précise pas les contours d'une politique ambitieuse concernant les biotechnologies végétales. Quel avenir veut-on offrir aux biotechnologies en France ? Au moment même où les OGM font l'objet d'investissements massifs dans de nombreux pays, la France désire-t-elle figurer parmi les nations leaders ? Là aussi, l'agriculture a besoin d'innovation et de progrès. La transcription stricto sensu des conclusions du Grenelle dans la loi de programmation nous semble donc présenter trop d'incohérences.Fiers des valeurs économiques, écologiques et sociales que nous portons depuis des décennies, nous souhaitons continuer à apporter notre contribution au développement durable de la société française. Mais pas en laissant les rênes aux théoriciens de la décroissance. Car la croissance sera déterminante pour relever les défis de notre secteur, produire en quantité et en qualité suffisantes. Or il ne peut y avoir de croissance sans innovation.
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