L'absinthe retrouve la faveur des distilleries

tueuxBanni en 1915 par la législation française, « l'alcool qui rend fou » effectue un retour spectaculaire sur les comptoirs. L'absinthe est aussi proposée de plus en plus dans les épiceries fines. Des boutiques (Vert d'Absinthe, à Paris, ou Ballade en Provence, à Antibes) lui sont même consacrées. Il faut dire que la consommation d'absinthe avoisinait 2 litres par an et par habitant (soit 86 millions de litres) avant 1915. Depuis 1988, les fontaines, qui versent au goutte-à-goutte l'eau glacée sur le sucre, libérant ainsi les arômes de plantes, ont repris du service grâce à l'aménagement conjoint d'une directive européenne et d'une nouvelle appellation légale (datant, elle, de 2001). Désormais, on ne parle plus d'absinthe, mais de « spiritueux aromatisé aux plantes d'absinthe ». Pourtant, la plupart des absinthes distillées aujourd'hui sont élaborées à partir de recettes d'époque, dans de vieux alambics, par des distilleries qui en produisaient déjà au xixe siècle (Devoille, Combier, Lemercier?). Elle n'est ni allégée, ni filtrée, ni modifiée.Producteur de la Muse verte, Jean-Philippe Brunello estime qu'en France la boisson verte reste « marginalisée ». Bon nombre de Français ne savent pas qu'elle est redevenue légale. Et elle porte encore les stigmates de sa réputation sulfureuse. Selon lui, le marché est toutefois porteur. « Nous revenons à des produits plus traditionnels et chargés d'histoire, comme l'absinthe. » Même son de cloche à la distillerie Lemercier Frère. Pour Alain Aureggio, le marché de l'absinthe n'a pas fini de se développer et profite de l'effet bénéfique de son « boom », il y a déjà six ans. Il aura fallu deux à trois ans pour que le processus de fabrication, d'approvisionnement et de connaissance du produit permette à l'absinthe de se refaire une place sur le marché des spiritueux.marché de nichePour les distilleurs, la sortie du purgatoire de la Fée verte a engendré de belles surprises. Chez Paul Devoille, situé à Fougerolles, lieu historique de naissance de l'absinthe avec Pontarlier, l'absinthe oscille entre la deuxième et la troisième place des spiritueux les plus vendus de l'entreprise. Partie de zéro en 1988, la production a atteint 37 % en 2008 avec environ 35.000 litres qui sont sortis des alambics de cuivre, soit 50.000 bouteilles. Hughes de Miscault, qui dirige la distillerie Paul Devoille, évoque un marché qui a mûri. Après l'engouement, à sa légalisation, l'intérêt pour l'absinthe est un peu retombé, mais a fidélisé une clientèle. « Son marché est comparable à celui du whisky. On en trouve de toutes sortes, de plus ou moins bonne qualité et donc forcément plus ou moins chères. » Entre 30 et 50 euros la bouteille pour les distilleries artisanales, contre 15 à 20 euros pour les absinthes industrielles.À ce jour, le marché de l'absinthe reste un marché de niche tendant à se développer en France et en Suisse, qui se disputent le leadership. La Fédération française de spiritueux estime que 250.000 litres d'absinthe sont produits chaque année en France, soit 0,2 % de la production des anisés (évaluée à 111 millions de litres pour l'année 2008), comme le pastis. Pourtant, la Fée verte ne retrouvera pas son statut de boisson nationale, mais restera la favorite des artistes à la recherche d'un passé sulfureux. Noémie Marchadie
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