Un faucon, gardien de l'orthodoxie

Si Axel Weber a entrepris de mener une opposition ouverte à Jean-Claude Trichet, c'est d'abord pour défendre le principe de la stabilité financière, le fondement du modèle économique allemand de l'après-guerre. Car l'actuel président de la Bundesbank, né voici cinquante-trois ans à Kusel, une petite ville du Palatinat mise à sac en 1677 par les troupes de Turenne, est le pur produit de la pensée économique et financière allemande. Ancien professeur d'économie aux universités de Bonn, Francfort et Cologne, il est entré en 2002 au conseil des sages, ce groupe des meilleurs économistes du pays chargé de conseiller le gouvernement fédéral. Sa nomination à la tête de la banque centrale du pays en 2004 par le ministre des Finances social-démocrate, Hans Eichel, a fait l'unanimité. Avec lui, la tradition de la Bundesbank était entre de bonnes mains.Aujourd'hui, c'est bien cette tradition qui est en danger aux yeux d'Axel Weber et c'est pourquoi il réagit. D'un point de vue allemand, la décision de la BCE de racheter les titres grecs comporte trois dangers inacceptables. D'abord, elle montre une soumission de la banque centrale aux intérêts politiques, c'est-à-dire un défaut dans son indépendance. Ensuite, en faisant fonctionner la planche à billets, la BCE pourrait créer de l'inflation. Tout ceci, enfin, risque d'affaiblir l'euro quand le credo de l'Allemagne, répété le 25 mars par Angela Merkel à la tribune du Bundestag, est que l'euro soit « aussi stable que le deutsche mark ». Bref, en aidant la Grèce, la banque centrale a mis en danger les principes du traité de Maastricht qui ont fondé l'adhésion de l'Allemagne à l'union économique et monétaire. « La BCE a franchi le Rubicon », a résumé dans la presse allemande, Helmut Schlesinger, ancien président de la Bundesbank de 1991 à 1993.profond désaccordEn se faisant le hérault de l'orthodoxie monétaire, Axel Weber veut prouver aux investisseurs et à l'opinion publique allemande qu'il existe une opposition à cette politique au sein même de la BCE et qu'elle n'est donc pas irréversible. D'où son parti de montrer d'emblée ouvertement son désaccord avec Jean-Claude Trichet : le jour même de l'annonce du rachat des obligations grecques, il accordait une interview dénonçant le « risque pour la stabilité financière » de cette décision. Ce faisant, Axel Weber cherche aussi à se présenter comme le seul recours pour restaurer la crédibilité de la BCE et en faire à nouveau l'authentique héritière de la Bundesbank des années 1949-1999. Il entend avancer ses pions pour être l'homme incontournable lors de la succession de Jean-Claude Trichet à l'automne 2011.Car Axel Weber est aussi un homme de pouvoir. Très proche d'Angela Merkel, il a poussé pour que la Bundesbank récupère l'intégralité de la supervision bancaire, aux dépens de la Bafin, le gendarme financier. L'opération fait grincer des dents, car la Bundesbank sera alors soumise directement dans ce domaine au ministère des Finances. Mais la réputation d'Axel Weber est telle que nul à Berlin ou à Francfort ne peut imaginer qu'il y ait là un risque pour l'indépendance de la banque centrale. Romaric Godin, à Francfort
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