Solvabilité 2 : les assureurs espèrent un retour à la raison

L'assurance est une chose trop grave pour qu'on la confie à des régulateurs. Telle est, en substance, la position des professionnels après que le Comité des superviseurs européens de l'assurance et des pensions de retraite (CEIOPS) a publié, vendredi, son avis final sur les mesures d'application de la directive Solvabilité 2. Ce nouveau cadre prudentiel, qui doit entrer en vigueur le 31 octobre 2012, vise à modifier les exigences de fonds propres pour mieux tenir compte des risques portés par les assureurs. Mais le régulateur européen, vertement critiqué par les assureurs en décembre pour la sévérité de ses propositions de calibrage des paramètres de risque, n'a modifié sa position qu'à la marge. Ainsi a-t-il réduit le coefficient associé à la détention d'actions non cotées de 60 % à 55 %, alors qu'il était fixé à 45 % lors de la précédente étude d'impact (QIS4) conduite en 2008, avant que les calibrages ne soient modifiés en vue de tirer les leçons de la crise.S'il est trop tôt pour évaluer l'impact des derniers ajustements, les assureurs regrettent que le CEIOPS n'ait pas tenu compte, pour arrêter les calibrages, de leur impact global sur la solvabilité des acteurs. Or, selon le cabinet d'actuaires Milliman, le passage au jeu de paramètres publié fin 2009 par le CEIOPS aboutirait, pour le secteur de l'assurance-vie en France, à un effondrement du taux de couverture de la marge de solvabilité de 260 % à 51 % (voir illustration), soit un besoin en fonds propres supplémentaires de 30 à 40 milliards d'euros. InacceptableEt l'impact, à en croire les associations professionnelles, serait probablement du même ordre dans les autres pays européens. Une situation inacceptable pour le secteur. « Rien ne justifie que la mise en oeuvre de Solvabilité 2 oblige les assureurs français à augmenter leurs fonds propres », estime Bertrand Labilloy, directeur des affaires économiques, financières et internationales de la Fédération française des sociétés d'assurances, pour qui « la capitalisation du secteur est suffisante ».Sans nier la nécessité de tirer les leçons de la crise, la FFSA espère donc que la Commission choisira un « calibrage plus raisonnable pour la prochaine étude d'impact » (QIS5), prévue cet été, et qui est censée être la dernière. De fait, pour Eric Serant, associé du cabinet Milliman, « il ne serait pas judicieux de conduire l'étude sur la base des dernières propositions de calibrages du CEIOPS, car, sauf à vouloir tuer l'assurance européenne, il faudra les revoir à la baisse, ce qui obligera la Commission à organiser sur l'ensemble du marché un nouvel exercice de simulations afin d'obtenir un impact réaliste sur l'évolution des fonds propres dans cette nouvelle réglementation ». Selon un professionnel, « il faut revoir le processus en encadrant l'impact sur les besoins en fonds propres des acteurs, faute de quoi la mise en oeuvre de Solvabilité 2 nous obligera à augmenter nos tarifs et à lever le pied sur le financement de l'économie ». En clair, les assureurs demandent que le politique reprenne le pas sur la technique.
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