Heurs et malheurs des régulations financières à travers le monde

Dans les premières phases de la crise financière, il était de bon ton d\'arguer que le système américain de régulation avait besoin d\'une refonte structurelle fondamentale. Les divergences d\'opinion entre la Securities and Exchange Commission (SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) avaient empêché un contrôle efficace des banques d\'investissement et du commerce des produits dérivés (les États-Unis sont les seuls à estimer qu\'il est judicieux de réglementer séparément les valeurs mobilières et les produits dérivés).En effet, la multiplicité de régulateurs bancaires distincts avait créé des opportunités pour les banques de s\'adonner à des opérations d\'arbitrage du système à la recherche d\'une approche plus indulgente envers le capital. De même, en l\'absence d\'un régulateur fédéral d\'assurance, AIG était réglementé par l\'Office of Thrift Supervision (OTS) et le New York State Insurance Department, un arrangement qui s\'est avéré être tout à fait insuffisant.Rien n\'a été fait pour rationaliser la supervision bancaireNéanmoins, cette ligne d\'argumentation a donné peu de résultats. La loi Dodd-Frank a réussi à sortir l\'OTS de sa misère, mais les comités de surveillance du Congrès, jaloux, ont empêché une fusion entre la SEC et la CFTC et rien n\'a été fait pour rationaliser la supervision bancaire. Ainsi, le système américain actuel ressemble étonnamment à celui qui a collectivement ignoré la montée des tensions fatales au début des années 2000.L\'absence d\'alternative convaincante a contribué en partie au blocage institutionnel. Durant la décennie ou à peu près qui a mené à la crise de 2007-2008, la tendance mondiale était à une intégration des organismes de réglementation. Près de 40 pays ont introduit des régulateurs uniques, fusionnant tous les types d\'organes de supervision en une seule entité toute puissante. Le mouvement avait commencé en Scandinavie au début des années 1990, mais le changement le plus spectaculaire était survenu en 1997, lorsque le Royaume-Uni avait présenté son Financial Services Authority (j\'en ai été le premier président).L\'approche \"twin peaks\" D\'autres pays adoptèrent des modèles légèrement différents. Une approche à la mode était connue sous le vocable de « twin peaks », dans laquelle un organisme de réglementation était compétent pour la réglementation prudentielle - fixant les réserves de capital obligatoires - tandis qu\'un autre supervisait le respect des règles établies. Mais le modèle twin peaks connaissait lui-même des subdivisions. Le modèle néerlandais embrigadait les régulateurs prudentiels à l\'intérieur de la banque centrale, tandis que la version australienne prévoyait une institution distincte. Ces structures intégrées semblaient offrir de nombreux avantages. Il y avait des économies d\'échelle et de gamme, et les sociétés financières aiment en général l\'idée de transactions à guichet unique (ou, au pire, à deux guichets). On peut également s\'attendre à ce qu\'un organisme de réglementation unique développe une vision plus cohérente des tendances à l\'œuvre dans le secteur financier dans son ensemble.L\'exemple de Singapour Malheureusement, ces avantages ne se sont pas matérialisés, ou du moins pas partout. Il est difficile de prétendre que le système britannique se soit révélé plus efficace que le système américain, ce qui a porté atteinte à la réputation du mouvement en faveur d\'un organisme de réglementation unique. Et les difficultés persistantes du système bancaire néerlandais - une autre banque a été nationalisée le mois dernier - suggèrent qu\'il est facile de tomber dans le fossé entre des twin peaks.La vérité, c\'est qu\'il est difficile d\'identifier une corrélation entre structure de réglementation et performance de sortie ou de réponse face à la crise financière. Parmi les pays à régulateur unique, Singapour et les pays scandinaves ont réussi à esquiver la plupart des balles mortelles, alors que ce ne fut évidemment pas le cas du Royaume-Uni. Parmi les partisans des twin peaks, le système néerlandais fait preuve de performances franchement médiocres, alors que la réglementation financière australienne peut être considérée comme un succès.Est-ce que l\'implication directe de la banque centrale est importante ? De nombreux banquiers centraux soutiennent que la banque centrale est la mieux placée pour faire face aux risques systémiques et qu\'il est essentiel de mener les politiques monétaire et financière au sein de la même institution. Encore une fois, il est difficile de trouver un support empirique solide en faveur de cet argument.Plutôt veiller à ce que le contenu de la réglementation soit pertinentLes banques centrales néerlandaise et américaine, bénéficiant d\'une supervision directe de leur système bancaire, n\'ont pas été plus efficaces pour identifier des problèmes systémiques potentiellement dangereux que les régulateurs d\'autres pays qui opéraient en-dehors de la banque centrale. Le Canada est souvent cité comme un pays qui a su éloigner ses banques des problèmes, alors qu\'elles se trouvent à une proximité inconfortable des marchés américains. Mais la Banque du Canada n\'est pas, et n\'a jamais été, un superviseur institutionnel actif. Dès lors, le Congrès américain a peut-être eu raison de conclure que modifier la structure des organes de régulation est moins important que de veiller à ce que le contenu de la réglementation soit pertinent.Ailleurs, cependant, de nombreux changements structurels sont en cours. Au Royaume-Uni, chaque perturbation financière amène ses appels à réorganiser le système. Ce dernier a subi des révisions majeures en 1986 et de nouveau en 1997, lorsque la Banque d\'Angleterre a perdu ses responsabilités de supervision bancaire dans une réponse tardive à l\'effondrement de la Barings. Le mois prochain, elle retrouvera ces responsabilités - parmi d\'autres plus importantes encore.Quand Britanniques et Français sont d\'accord, ils sont susceptibles de se tromperPour la première fois, la Banque d\'Angleterre supervisera également les compagnies d\'assurance. Un changement similaire a été introduit en France, où une nouvelle Autorité de contrôle prudentiel a été créée. Les Britanniques et les Français sont rarement d\'accord sur quoi que ce soit ; on est tenté de dire que quand ils le sont, ils sont très susceptibles de se tromper.Il est difficile pour l\'instant de discerner un schéma cohérent. Certes, la tendance en faveur de régulateurs uniques avec compétence globale et opérant en dehors de la banque centrale a fortement ralenti (bien que l\'Indonésie soit à l\'heure actuelle en train de consolider ses organismes de réglementation). Il n\'existe pas de consensus sur le rôle de la banque centrale : dans environ un tiers des pays, elle représente l\'acteur dominant, dans un autre tiers elle a autorité sur les banques uniquement, tandis que dans le tiers restant, elle n\'est qu\'un simple surveillant du système.On pourrait voir cette situation comme une expérience contrôlée afin de tenter d\'identifier un modèle supérieur aux autres. Après tout, les systèmes financiers ne sont pas si différents les uns des autres, en particulier dans les pays de l\'OCDE. Néanmoins, il n\'y a aucun signe qu\'une évaluation approfondie soit en cours de préparation. Même si elle ne concluait pas à la supériorité non ambigüe d\'un modèle, pareille évaluation aurait au moins le mérite d\'aider les pays à faire des choix plus éclairés. Le G-20, sous la présidence russe, est actuellement à la recherche d\'un rôle à jouer. Voici une tâche pratique utile qu\'il pourrait assumer. (Traduit de l\'anglais par Timothée Demont)Copyright: Project Syndicate, 2013. 
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