Transports maritimes : CMA CGM s'offre un 3e porte-conteneur géant pour ses 35 ans

Est-ce parce que François Hollande lui accordera un peu de temps dans sa journée marseillaise que le nouveau porte-conteneur battant pavillon CMA CGM Jules Verne bénéficiera d’une telle exposition médiatique ? Toujours est-il que le président de la République, en visite mardi 4 juin dans la cité phocéenne pour inaugurer le MuCEM (Musée des civilisations de l\'Europe et de la Méditerranée) et la Villa Méditerranée, est annoncé pour le baptême d’un navire que la presse consacre comme le plus grand porte-conteneur du monde alors que ses deux sisterships : le Marco Polo, entré en service le 5 novembre 2012 et le Alexander Von Humboldt, reçu en avril 2013, disposent d’une capacité similaire de 16 020 EVP (unité de mesure d’un conteneur, soit 16 020 “boîtes”). Le dernier né de la famille - le Jules Verne - également livré par les chantiers sud-coréens Daewoo, a débuté le 3 mai son service entre l’Asie et l’Europe. Un enregistrement sous pavillon tricolore Pour qui connaît le secteur maritime, célébrer le record d’un bateau –en l’occurrence le Jules Verne affiche 396 m de long et 53,6 m de large avec un tirant d’eau de 16 m, ce qui ne permet pas son accueil dans tous les ports… - n’a pas grand sens. Car la course au gigantisme dans la conteneurisation est à l’œuvre depuis de bien nombreuses années. Et dans quelques semaines, ce record sera lui même effacé par la mise en service du premier des 20 navires de classe \"EEE\" (400 mètres de long, 18 270 EVP) armé par le n°1 mondial, le Danois Maersk Line.Le véritable intérêt de ce navire est ailleurs : le Jules Verne sera immatriculé sous le régime français, ce qui n’est pas anodin. Pour information, le nombre de porte-conteneurs français de CMA CGM représente à ce jour 5,5 % d’une flotte composée de 414 navires dont 84 en propriété. Car choisir un pavillon français revient à adopter un ensemble de règles, allant des formalités administratives au régime fiscal pour les salaires, mais aussi respecter un nombre de navigants nationaux. Et inutile de préciser que le pavillon national n’est pas d’un point de vue économique (notamment le coût d’équipage) le plus attractif pour les armateurs, qui sont, de surcroît, libres de choisir d’enregistrer leurs bateaux là où bon leur semble, y compris dans ces États que l’on dit « exotiques » (Bahamas, Libéria…). Jacques Saadé, le patron historique de la compagnie maritime marseillaise, envoie donc un signal fort aux pouvoirs publics français dans un contexte où la préoccupation majeure est l’emploi. Si la CMA CGM affiche fièrement ses 23 navires aux couleurs tricolores, elle ne dit pas que l’entrée du Jules Verne va aussi entraîner le “dépavillonnement” deux navires, le “Chopin” et le “Puccini”, qui vont être ré-immatriculés à l’étranger en raison de la fin de l\'ancien dispositif de GIE fiscal. Selon un accord avec la direction, les emplois français seraient transférés sur le Jules Verne et sur deux autres porte-conteneurs battant pavillon tricolore.La CGT des marins du Grand Ouest s\'étonne pour sa part dans une lettre ouverte à François Hollande (diffusée le 30 mai), de sa présence à l\'inauguration du CMA CGM Jules Verne estimant ainsi que le président de la République cautionne \"l\'embauche des marins étrangers sur des navires largement financés par le contribuable français\", mais aussi \"la construction de navires dans des chantiers hors de l\'Union européenne\". 35 ans de navigationReste l’autre information : les 35 ans consacrés par la société, née de la cession par l’État de la Compagnie Générale Maritime (CGM, elle-même issue de la fusion de la Compagnie Générale Transatlantique et des Messageries Maritimes) à la Compagnie Maritime d’Affrètement (CMA), fondée en 1978 par Jacques Saadé, qui préside depuis cet ensemble avec à ses côtés son fils, Rodolphe, à la direction générale déléguée. L’homme, dont on connaît l’histoire : la famille Saadé, qui produisait et exportait de l\'huile d\'olive, du coton, de l\'alcool, sera ruinée à la suite de la nationalisation des biens et services), a quitté le Liban sous les bombes pour amarrer à Marseille où il a fondé ce qui est devenu le n°3 mondial du transport maritime conteneurisé avec 8 % de parts de marché (PDM) derrière Maersk (16 % de PDM estimés) et le Suisse MSC (12 % de PDM). Un parcours qui aide aussi à comprendre son acharnement à défendre un certain capitalisme familial. Cela fut d’autant plus flagrant quand il a dû affronter en 2009 les 72 banques créancières d’une dette colossale accumulée notamment par des commandes de bateaux qui n\'avaient pas anticipé le retournement de conjoncture.Profitabilité retrouvéeCette date anniversaire tombe donc à pic pour saluer le retour de l’entreprise aux profits après quelques années difficiles pour un secteur dont la vivacité dépend directement de la dynamique des échanges internationaux (90 % des marchandises mondiales se transportent par bateaux). Après un exercice 2011 affichant 32 millions de dollars US de pertes, 2012 s’est soldée par un résultat net de 361 millions de dollars avec un C.A. en hausse de 7 % (15,9 milliards de dollars). 2012 a également été celle de la restructuration de sa dette et de la recomposition de son capital. La cession de 49 % de sa filiale qui opère des terminaux portuaires (Terminal Link) pour 400 millions d’euros au conglomérat chinois CMHI et l’injection de nouveaux fonds propres de la famille Saadé ont permis au groupe d’assainir sa situation.Quant à son capital, il est désormais partagé entre la famille Saadé, le Fonds stratégique d’investissement (FSI), qui a investi 150 millions de dollars sous forme d’obligations remboursables en actions (ORA), lui donnant 6 % du capital et le groupe turc Yildirim, qui a porté sa participation de 20 à 24 % en injectant 100 millions d’euros, également sous forme d\'ORA. Une profitabilité retrouvée qui doit préparer une entrée en bourse en 2014. À condition que 2013 s’aligne sur les mêmes performances dont dépendent la restauration des taux de fret et la demande internationale.Consolidation à termeSur un plan commercial, le n°3 mondial voit aussi son horizon se dégager suite à l’annonce de Maersk Line de se désengager de son activité de transport maritime conteneurisé pour se recentrer sur le offshore. La question centrale demeure : comment les compagnies maritimes supportent les années difficiles d\'activité depuis 2011 – en clair, la surcapacité et le marché difficile - tout en renforçant leur flotte opérationnelle ? Les milieux maritimes s\'interrogent sur des rapprochements au delà des coopérations opérationnelles déjà à l’œuvre. En attendant, à l’issue de son baptême à Marseille le 4 juin, le Jules Verne appareille le 6 juin pour gagner Tanger et suivre sa route vers Ningbo. Rien ne filtre sur l’identité de la marraine : CMA CGM a l’habitude de proposer le titre de marraine à des femmes politiques ou des épouses de ministres (Christine Lagarde pour le Christophe Colomb, Corinne Perben pour le Medea) ou encore à Laurence Parisot, la présidente du Medef, pour le Titan.Sur les 18 000 personnes qu’emploie la compagnie maritime, 2 400 sont localisées au siège social à Marseille dans la seule et unique skyline de la ville et 4 700 en France. La société a réalisé en 2012 un chiffre d\'affaires de 15,9 milliards de dollars US et revendique avoir transporté 10,6 million d\'EVP (équivalent vingt pieds, unité de mesure). 
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