Les bons régatiers sont les premiers à sentir le vent tourne...

Les bons régatiers sont les premiers à sentir le vent tourner. Tout au long de ses dix ans à la tête de Boursorama, Vincent Taupin a su faire évoluer son « business model » au gré de la météo des marchés, des rafales technologiques ou des caprices du « consommateur » financier? Rien de commun, donc, entre l'ancêtre Fimatex, filiale de courtage sur Internet de la Société Généralecute; Générale, et l'actuel Boursorama, numéro un de la finance en ligne, qui accueille aujourd'hui son nouveau patron, Hugues Le Bret, l'ancien dircom de la maison mère. Vincent Taupin a donc réussi son pari et, pour service rendu, se voit désormais confier les commandes du Crédit du Nord, un établissement ancré dans la tradition bancaire.Quand cet ingénieur de formation, passionné de voile, arrive chez Fimatex, début 2000, après une douzaine d'années dans la finance, c'est l'âge d'or du courtage en ligne. La quarantaine d'acteurs ? tous en déficit ? que compte cette activité naissante surfent sur la bulle Internet et sont les chouchous de la cote. « À l'époque, le marché voulait de la diversification internationale, alors nous avons ouvert des filiales en Europe », se souvient Vincent Taupin. Et, le 22 mars 2000, moins d'une semaine avant l'effondrement du Nasdaq, le courtier, déjà numéro un, lève 210 millions d'euros en introduisant 23 % de son capital au Nouveau Marché de la Bourse de Paris. Soit une valorisation délirante de 21.000 euros par client !L'éclatement de la bulle Internet en 2000 et 2001 sera bien évidemment fatal à nombre d'acteurs. Immédiatement, Fimatex décide de trancher dans le vif en fermant ses filiales espagnole et britannique, à l'origine des deux tiers des pertes. « C'est là que nous avons sauvé notre cash, alors que nos concurrents ont tout brûl頻, commente Vincent Taupin. C'est notamment le cas de son principal concurrent, Selftrade, contraint à un plan social en 2002. La même année, Fimatex se paie le luxe d'atteindre l'équilibre du compte d'exploitation et envisage dès lors de creuser l'écart avec ses concurrents. Deux acquisitions vont se révéler décisives. Tout d'abord, le célèbre site d'informations boursières Boursorama, qui revendique quelque 1,4 million de visiteurs chaque mois. « Le coup de force de Vincent a été de convaincre les deux fondateurs, qui avaient refusé des offres bien plus élevées en 2000 », estime Gwenaël Moy, directeur général de IG Markets, alors en poste chez Selftrade. « Je leur ai exposé les avantages qu'il y aurait à marier l'information et la transaction boursière, mais ils n'écoutaient que d'une oreille? jusqu'à ce que je leur dise que le nouvel ensemble s'appellerait Boursorama. En somme, c'est en valorisant leur travail que nous avons fait la différence », résume Vincent Taupin. Bouclée en mars 2002 pour 44 millions d'euros, dont 80 % en titres, la transaction permet au nouvel ensemble de réduire drastiquement ses dépenses de marketing, à la différence de ses concurrents, qui doivent se ruiner pour acquérir des clients.Convaincu que le secteur du courtage en ligne doit se concentrer, Vincent Taupin convoite le challenger Selftrade, mis en vente par son actionnaire HypoVereinsbank. « Vincent a man?uvré habilement pour devancer les autres candidats, notamment Fortuneo. Non content de proposer le bon prix, il a su obtenir le soutien du comité d'entreprise en présentant l'adossement à la Société Généralecute; Générale comme un gage de stabilité, tandis que Fortuneo, détenu par ses fondateurs, cherchait essentiellement à grossir pour mieux se vendre », relate Arnaud Poutier, ancien membre du comité exécutif de Boursorama. Au final, le courtier, fondé par Charles Beigbeder et acheté fin 2000 par les Allemands pour 750 millions d'euros (en titres), tombe dans l'escarcelle de Boursorama deux ans plus tard? pour 62 millions d'euros en cash. L'opération est signée le soir de la Saint-Sylvestre, à l'issue de négociations serrées. Un réveillon dont Charlotte Taupin se souvient encore, pour avoir passé la soirée à regarder son époux dormir du sommeil du juste ! Boursorama émerge ainsi de la crise en position de force, avec près de 40 % de part de marché du courtage en ligne. L'heure est désormais à la diversification. C'est ainsi qu'en 2005, après une première expérience infructueuse, Boursorama attaque un bastion des banques en proposant l'assurance-vie sans frais d'entrée. « Le succès n'a pas tardé, mais il nous a fallu affronter les protestations de nos distributeurs traditionnels », confie Sonia Fendler, directrice du développement et de l'innovation chez Generali Patrimoine. Le tabou est cependant tombé et le « zéro frais d'entrée » est devenu le standard de l'assurance-vie en ligne. La deuxième diversification est sans doute la plus ambitieuse : la banque en ligne, une révolution sans cesse annoncée mais toujours reportée. À l'exception de Cortal, repositionné sur un segment de clientèle patrimoniale, toutes les tentatives précédentes se sont soldées par des échecs cuisants, comme celui de Zebank. Lancée en fanfare en 2001 par le Groupe Arnault et Dexia, cette start-up sera revendue en catimini l'année suivante au britannique Egg, qui ne réussira jamais à percer en France. « Ils avaient commis une erreur fatale : celle de parler d'argent au second degr頻, analyse Vincent Taupin. Mais peu après le lancement de sa première offre de banque à distance, Boursorama crée la surprise en annonçant, début 2006, la reprise de CaixaBank France et ses 54 agences. Une décision impulsée, sinon imposée, par le PDG du groupe. « Daniel Bouton, qui était proche du patron de la Caixa, a conclu le marché pour un prix intéressant et, comme les agences n'intéressaient ni le réseau de la Société Généralecute; Générale ni celui du Crédit du Nord, c'est Boursorama qui en a hérit頻, se souvient un témoin de l'époque. La filiale garde d'abord une vingtaine d'agences, avant de s'en débarrasser au bout de dix-huit mois pour se repositionner en banque 100 % à distance.Reste que l'ancien courtier en ligne récupère ainsi un agrément bancaire complet, une organisation éprouvée et 49.000 clients particuliers dont il conserve l'essentiel. De quoi se mettre en position de leader sur ce marché, au moment même où l'accès Internet à haut débit se généralise chez les particuliers. Aujourd'hui, Boursorama frôle les 100.000 comptes bancaires, ce qui n'est pas sans faire grincer quelques dents jusque dans l'état-major de la Société Généralecute; Générale. Et pour cause : au deuxième trimestre 2009, les ouvertures nettes de comptes de Boursorama n'étaient pas loin d'égaler celles de la Société Généralecute; Générale et du Crédit du Nord réunies ! « Pour accélérer notre croissance, il nous faut maintenant agrandir le marché, estime Ramon Blanco, numéro deux de Boursorama. Nous allons investir dans ce but et nous espérons que nos concurrents feront de même. »Benjamin Jullien Boursorama arrive sur le marché de la banque en ligne en position de force. La filiale de la Société Généralecute; Générale a su, sous la direction de Vincent Taupin, profiter de la crise Internet pour consolider ses positions et asseoir sa notoriété.Boursorama, dix ans dans le sens du vent
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