Les sociétés de gestion indépendantes peinent à séduire les institutionnels

Après une décollecte de 38,5 milliards d'euros en France en 2008, l'industrie de la gestion d'actifs a retrouvé quelques couleurs l'an passé avec une collecte nette de 19,5 milliards d'euros (données Europerformance SIX-Telekurs). Sur ce montant, une partie non négligeable revient à un acteur : Carmignac Gestion qui a contribué pour 15 milliards à cette collecte nette (lire ci-contre). Toutes les sociétés de gestion indépendantes ne sont pas logées à la même enseigne. Ainsi, les sociétés qui ont fait le pari depuis plusieurs années de diversifier leur offre s'en sont mieux sorties, notamment grâce aux fonds flexibles ou obligataires. Mais l'un des faits marquants de 2009, c'est le retour timide des investisseurs institutionnels, les souscriptions étant principalement tirées par la clientèle privée.Ainsi, chez Mandarine Gestion, « nous affichons une collecte nette de 440 millions d'euros sur l'année, 60 % de celle-ci provenant des CGP [conseillers en gestion de patrimoine, Ndlr] », explique Rémi Leservoisier, directeur général. Même constat chez Financière de l'Échiquier qui, malgré un mandat de 20 millions d'euros sur l'obligataire européen pour un institutionnel, enregistre une collecte nette de 43 millions d'euros sur l'année qui « provient pour l'essentiel de l'international et de mandats privés », souligne Didier Le Menestrel, son président. Le poids des conseillersCette tendance se confirme auprès de Carmignac Gestion. « Notre collecte en Europe vient de nos conseillers en réseaux, conseillers indépendants, banques et courtiers d'assurance et à travers eux de plus de 500.000 porteurs individuels », souligne Éric Helderlé, directeur général de la société de gestion. Un constat qui laisse perplexe les maisons qui ne travaillent qu'avec des investisseurs institutionnels comme IT Asset Management. Muriel Faure, sa présidente, constate en effet que « même si les institutionnels sont revenus sur la fin de l'année, notre collecte nette en actions est faible. Ce qui s'explique par une véritable frilosité des investisseurs pour les actions ».« La crise a laissé des traces »Une frilosité que certains n'ont pas vraiment ressentie même si le comportement des institutionnels a changé. Ainsi, Sycomore AM se félicite d'une collecte nette de 350 millions d'euros auprès de ces derniers, mais Laurent Deltour, associé fondateur, admet tout de même que « la crise a laissé des traces dans les mémoires et les investisseurs ont en grande partie effectué des arbitrages de portefeuille plutôt que d'augmenter leur exposition action ». Autrement dit, il n'y a pas de « new money », c'est-à-dire que l'argent qui circule entre les sociétés de gestion n'est que le résultat d'une redistribution des cartes.Cela réduit de fait la possibilité pour les institutionnels d'investir dans de nouveaux produits. D'ailleurs, pour Rémi Leservoisier, « les institutionnels qui ont profité des produits obligataires pour regagner de l'argent ne sont pas revenus massivement sur des actifs risqués en 2009 ». À commencer par des acteurs de taille comme les assureurs. Ces derniers, devant se mettre en conformité avec leurs nouveaux critères de solvabilité en 2012, dits Solvency II, sont sortis en masse en début d'année sans jamais revenir sur les actions. À titre d'exemple, Axa et Groupama seraient investis respectivement à 3 % et 5 % en actions. Et pour Muriel Faure, « ils ne reviendront plus, même s'ils devront trouver de nouveaux moteurs de performances ». « Audits sur la structure »Une chose est sûre, l'approche des investisseurs institutionnels dans la sélection de leur gérant a aussi changé. La performance des fonds ne fait plus recette. Une société de gestion doit désormais aller plus loin dans la transparence pour convaincre ses investisseurs. Ainsi, « les audits sur la structure de la société et ses processus de gestion sont beaucoup plus nombreux qu'auparavant », explique Rémi Leservoisier. Mais les investisseurs sont aussi plus exigeants sur la taille des fonds dans lequel ils souhaitent investir. Et même si pour Didier Le Menestrel, aujourd'hui, « la question de la taille de la société de gestion ou d'un fonds est un biais commercial », le ratio d'emprise et les problèmes de liquidités que cela pourrait entraîner restent des critères incontournables dans la sélection des fonds.Quoi qu'il en soit, les sociétés de gestion indépendantes ont dû faire preuve d'adaptation en 2009. Quant à 2010, l'année devrait être marquée par un rebalancement des mandats de gestion de plusieurs institutionnels, à la suite des divers rapprochements de structures qui ont eu lieu l'an dernier. Un relais de croissance que les sociétés de gestion indépendantes devraient regarder de plus près.
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