Entreprendre : c'est rêver, lever des fonds, créer des emplois... Et prendre un coup de massue fiscal ?

Tout commence le 9 novembre 2006 avec une discussion dans un café entre deux rêveurs qui se laissent à imaginer un truc qui n\'existe pas encore, quelque chose qui permettrait aux Français de joindre des experts par internet via un simple clic. Une idée qui vaut ce qu\'elle vaut... c\'est-à-dire, rien du tout à l\'époque. Une idée qui aurait pu rester à l\'état du rêve, des mots et puis c\'est tout.Mais, cette idée m\'empêche de dormir, me paraît une évidence, me paraît suffisamment excitante pour convoquer une «réunion exceptionnelle» avec mon épouse le soir même. Entre deux biberons, deux enfants à nourrir, mon épouse me dit «écoute, si tu le sens, vas-y, je suis avec toi on s\'organisera». Dans les jours qui suivent, je démissionne de l\'agence de pub qui me paye \'tranquillement\' tous les mois, je laisse tomber mon beau salaire, ma voiture, mes équipes, mon statut pour me lancer... dans cette idée qui ne vaut rien.Le temps d\'écrire les conditions de notre pack d\'actionnaires, j\'écris alors le 26 novembre 2006 sur mon blog : «je me lance dans une nouvelle aventure avec beaucoup de compétences, d\'ambitions, d\'inconnus, de niaque!» Voilà, mon présent et mon avenir reposent désormais sur mes associés, cette idée qui ne vaut rien et notre kniack. Je prends alors cette décision de quitter ce statut de salarié pour devenir «entrepreneur».Je découvre alors ce monde, cette terre promise des entrepreneurs, sans chef et sans contrainte... Qui sait, peut-être qu\'un jour notre idée vaudra plus que rien? Alors, l\'aventure commence, je ne dors plus, j\'ai parfois peur de voir les jours qui passent, les projets qui capotent, l\'activité aussi plate que l\'encéphalogramme d\'une momie, et les salariés qui nous regardent... le compteur tourne.Pour donner une chance à cette idée, qui ne vaut toujours rien, et pour nous permettre de rémunérer nos premiers collaborateurs, nous nous tournons vers des investisseurs (institutionnels et fonds). Ces derniers nous disent combien notre idée ne vaut rien. Ah! Les jours passent, toujours pas de chiffre d\'affaires. Sur les 25 investisseurs à qui nous vantons les beautés de notre bébé, 20 nous disent «non» au premier rendez-vous, 1 «oui» très vite et 4 autres n\'ont toujours pas répondu.Ce «oui» a changé notre vie, mais pas notre stress et nos inquiétudes. Ce «oui» nous a aussi largement dilué, nous nous retrouvons alors comme des petits actionnaires de notre boîte. Nous avons désormais un peu de carburant pour donner un sens économique à cette fameuse idée. 10 mois passent et toujours pas de revenus. Nous y croyons. Nous y croyons. Si, si. Personne n\'y croit, sauf nous. 24h sur 24, nous cherchons des solutions avec mes 4 associés. On ne lâche rien. On essaye de faire vivre notre idée en la poussant par la fenêtre, par la porte et par la cheminée.Cette ténacité, je la dois à mes associés (Alain, Jérôme, David et Olivier, eux aussi pères de famille et un peu fous), à nos convictions, notre vision, notre folie, notre détermination, notre volonté d\'y arriver, notre rêve de faire vivre cette idée. Cette idée commence enfin à payer un peu avec quelques premiers euros de chiffres d\'affaires, puis quelques mois après, nous avons enfin assez de revenus pour payer notre loyer. 18 mois de folie pour atteindre ce sommet qui devenait de plus en plus incertain, certains de nos collaborateurs ont quitté l\'aventure avant. Ce cap était une véritable victoire pour nous. Enfin, un cap tangible, un espoir d\'y arriver, une toute petite première marche vers un futur équilibre budgétaire!Nous commençons à entrevoir la Lumière. Soulagement? Non, pas du tout ! Au contraire, il faut donc accélérer, nous ne sommes pas là pour construire une entreprise qui vit sur de l\'argent virtuel via plusieurs levées de fonds, nous devons atteindre ce fameux «break-even». Nous convergeons vers ce point d\'équilibre, et pour y arriver nous décidons de faire l\'acquisition de 4 entreprises sur 2 ans qui nous permettent d\'accélérer notre croissance et conforter notre position en Europe. Bis: nous nous retrouvons alors dilués comme de tout petits actionnaires de notre boîte.Après plusieurs années, nous nous adossons à un industriel et cédons notre entreprise pour mieux la développer et en restons actionnaires. Nous allons même plus loin en rachetant des parts de l\'entreprise à cette occasion, en y investissant 90% de mes économies.Aujourd\'hui, Wengo emploie 92 personnes en CDI, 500 experts gagnent chaque mois leur vie via Wengo, une centaine de personnes travaillent indirectement pour Wengo chez nos prestataires. Cette idée -qui ne valait rien- fait vivre chaque mois plus de 600 personnes en France. Et ce n\'est pas fini. Il fallaît y croire, contre tous les vents défavorables.Je vous ai raconté cette histoire pour vous faire vivre ce que pouvait être le quotidien d\'un créateur d\'entreprise, hier en France. Je souhaite expliquer à ceux qui pensent nos lois qu\'elles doivent se nourrir de la réalité du terrain, du vécu et qu\'elles ont un impact, potentiellement immense sur notre pays et sa capacité à créer des activités d\'avenir sources d\'emplois. Tout ça pour en arriver à trois points fondamentaux pour moi :Un entrepreneur entreprend par passion, par envie, par folie. L\'hypothèse d\'un gain à la sortie est une partie du rêve, mais pas le rêve.L\'entrepreneur a besoin d\'un écosystème précieux qu\'il ne faut pas fragiliser. Cette folie et audace créative doivent être stimulées par leur environnement, c\'est déjà si difficile de se lancer ! Créer un écosystème encore plus anxiogène pour l\'entrepreneur est contre-productif. SVP venez discuter avec des entrepreneurs d\'industries diverses... nous avons besoin d\'un cadre stimulant, mais aussi parfois de «carburant», pas forcément uniquement via du financement public, l\'argent des investisseurs et des business angels tout comme leurs expériences sont si précieuses.Ce projet de Loi de finance s\'attaque à un mythe !Au regard du projet de Loi de Finances 2013 (Article 6), mes associés et moi ne sommes pas considérés comme des entrepreneurs. Pourtant, j\'ai l\'impression que les 2198 derniers jours et nuits passés à faire naître, puis survivre, vivre et grandir cette petite idée ont le parfum de l\'entrepreneuriat. D\'un point de vue fiscal, nous n\'avons pas détenu plus de 10% du capital pendant 2 ans au cours des dernières années. Ah... mon taux d\'imposition sur les plus-value passe alors de 34% à 62,5% en cas de cession de mes parts. Pourquoi un tel coup de massue? Les entrepreneurs ne sont plus désirés et désirables en France?Que suis-je alors si je ne suis pas un entrepreneur? Je suis donc un salarié... si je ramène alors mon gain total (rémunération + gains hypothétiques sur plus-value à terme avec cette nouvelle Loi de finances), alors oui ça fait cher payé la prise de risques pour ma famille et moi. Salarié et entrepreneur ne peuvent pas avoir la même fiscalité. Ce projet de Loi de Finances s\'attaque à un mythe, celui de l\'entrepreneur américain milliardaire en 2 jours! Mes amis les pigeons français ne correspondent pas à cet ennemi. Entrepreneur, made in France !Je rêve que la France reste une terre d\'accueil pour les entrepreneurs français, et le devienne aussi pour les Européens ou étrangers plus lointains. Les Universités et écoles françaises sont en train de relever ce challenge, pourquoi pas «la création d\'entreprises made in France». Les Etats-Unis, l\'Allemagne, Israël, l\'Angleterre ont su créer un écosystème entre Entreprises, Universités et Investisseurs stimulant pour la création d\'entreprises. La France s\'inscrit dans ce contexte international où les jeunes porteurs d\'idées -qui ne valent rien au départ- vont chercher le nid le plus favorable à leur développement. La fiscalité est un des facteurs clés de succès, ce n\'est pas le seul, mais le nier reviendrait à se voiler la face. La France doit et peut encore être un tremplin pour les entrepreneurs des entreprises de croissance, quelle que soit leur nationalité d\'origine. Venez créer des emplois en France car nous avons ici d\'excellents talents, ingénieurs, marketeux, mais aussi une chaine de financement qui fonctionne jusqu\'à présent. par Patrick Amiel, cofondateur de WengoTwitter : @patamiel
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