« Mon successeur devra en priorité redresser les marges »

STRONG>Les dernières semaines de votre processus de succession ont été heurtées. Pourquoi ?Je ne suis pas à l'origine de cette agitation médiatique entachée d'attaques parfois outrancières. Le processus de succession a été transparent et organisé de manière professionnelle. Vu la médiatisation qui l'a entouré, on ne peut pas dire qu'on ait manqué de bons candidats !Le processus n'a-t-il pas été d'autant plus difficile que cela fait un quart de siècle que vous êtes aux commandes d'Eiffage ?Cela fait six ans que j'avais décidé de passer la main. Si la manière dont le FSI, le Fonds stratégique d'investissement, actionnaire à 20 % d'Eiffage, a communiqué dans cette affaire est un peu surprenante, il n'en est pas moins légitime pour exprimer son point de vue. Il a décidé qu'il fallait tourner la page et, moyennant un délai d'organisation, c'est ce qui s'est passé. Un de mes nombreux principes de management est que tout le monde a droit à l'erreur. En revanche, on ne doit pas faire plusieurs fois la même erreur. En 2005, je m'étais trompé avec Benoît Heitz. En ce qui concerne en revanche Pierre Berger, sa réputation de technicien et de manager est incontestable et dépasse largement les frontières de Vinci.Pourquoi Pierre Berger ne prendra-t-il la direction générale que le 1er juillet et pas lors de la prochaine assemblée générale ?Ce n'est pas à l'assemblée générale de décider de la nomination d'un directeur général. C'est une décision du conseil d'administration.Percevrez-vous une indemnité de départ ?Il n'y a chez Eiffage ni retraite chapeau ni indemnité de départ hors celles prévues par la convention collective. Je ne percevrai, en ce qui me concerne, aucune retraite chapeau ni aucune indemnité de départ. Nous respectons intégralement la charte des organisations patronales Afep-Medef.Quel sera désormais votre rôle ?Je resterai président non opérationnel durant quatorze mois au plus, conformément aux limites prévues par les statuts d'Eiffage. Je ne prendrai plus de décision opérationnelle à partir du 1er juillet. D'ici là, nous partagerons les décisions et je ne prendrai plus dès maintenant de façon unilatérale une décision opérationnelle importante. Pierre Berger va commencer à faire une tournée du groupe pour faire connaissance avec les implantations et les métiers qu'il ne connaît pas encore. À compter du 1er juillet, il sera le seul responsable opérationnel de plein exercice.La stratégie d'Eiffage qui consiste à aller seul sur de très grands projets n'a-t-elle pas trouvé ses limites ?Nous pensons avoir fait sur le projet de ligne TGV Le Mans-Rennes la meilleure offre possible. Nous allons remettre, le 11 janvier, une offre pour la construction du ministère de la Défense à Balard. Nous avons les crédits nécessaires. En tout état de cause, les crédits ne financent pas Eiffage mais les projets auxquels nous concourons. Ils sont presque toujours adossés aux concessions. Les banques ne peuvent se retourner que contre le projet, pas contre Eiffage. C'est un point essentiel pour les marchés financiers.Eiffage n'est-il pas trop franco-français dans un monde mondialisé ?J'ai fait preuve de réserve sur la grande exportation. Pour le moment, nous ne sommes implantés qu'en Europe et en Afrique où nous réalisons une autoroute au Sénégal en concession. Pierre Berger, qui a été chargé du projet de construction du sarcophage de Tchernobyl et a été aux manettes pour l'édification du pont Qatar-Bahreïn, apportera à Eiffage le moment venu la connaissance d'autres horizons.Quel est justement son ordre de mission ?Alors que les temps vont rester difficiles pendant plusieurs années, la priorité à court terme sera de redresser les marges. En outre, nous n'avons pas traité de grands projets depuis deux ans et demi et il devra s'atteler à en gagner de nouveaux pour prendre le relais.Allez-vous annoncer un plan d'économies ?Malgré la crise, nous n'avons pas interrompu les recrutements. Le chiffre d'affaires est stable et le carnet de commandes se redresse doucement mais régulièrement. Nous pensons pouvoir optimiser tout cela sans drames sociaux ni plan d'économies, nous allons ajuster nos dispositifs sans tintamarre. Notre chiffre d'affaires 2010 sera d'ailleurs très proche de notre prévision d'origine de 13,3 milliards d'euros.Certains accusent Eiffage d'être trop généreux avec ses salariés...Les syndicats du groupe ont certainement été ravis de l'apprendre ! La loi impose le versement d'une participation tandis que l'intéressement fait l'objet de contrats triennaux qui existent chez Eiffage depuis vingt-quatre ans. Quant à Eiffaime, la société détenue par les «managers» et dont je suis le fondateur, personne n'y a perdu d'argent puisque personne n'a vendu d'actions. Je suis actionnaire d'Eiffaime et j'ai l'intention de le rester. Les 500 cadres savaient qu'il s'agissait là d'un investissement de long terme. Eiffaime a toujours payé ses intérêts régulièrement aux banques. Le fait de rééchelonner une dette est un phénomène qui est classique.Marier Eiffage et Vinci pourrait-il faire sens ?Absolument pas. Supprimer l'un des trois acteurs français serait proprement inacceptable tant pour les autorités de la concurrence que pour les clients.Propos recueillis par Sophie Sanchez et Olivier Provost
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