Le piège des rachats d'actions

Résultats tout juste supérieurs au consensus, prévisions nettement abaissées... Les résultats trimestriels de Pfizer commencent à s'afficher sur les écrans de contrôle et à s'égrener sur CNBC. Et font chuter l'action du premier laboratoire mondial pendant les échanges précédant l'ouverture des marchés. Pourtant, quelques instants plus tard, le titre s'affiche en forte hausse. L'explication de ce revirement est à chercher quelques lignes plus bas dans le communiqué du groupe : « Le conseil d'administration a autorisé le rachat d'actions supplémentaires. En 2011, nous allons racheter pour environ 5 milliards de dollars de titres, sans que cela réduise notre capacité à augmenter notre dividende ou à poursuivre nos acquisitions. » Les rachats d'actions, les marchés apprécient toujours ! En réduisant le capital, ils augmentent mécaniquement le bénéfice par titre. La valeur devient donc plus attractive pour les investisseurs et elle doit - logiquement - monter. Pfizer n'est donc pas seul. Assises sur des montagnes de cash - plus de 800 milliards de dollars au total -, de nombreuses entreprises ont pris des initiatives comparables. En attendant les banques qui devraient bientôt être autorisées par la Réserve fédérale à faire de même. Fin janvier, Intel annonçait par exemple un programme de 10 milliards. Et la semaine dernière, Time Warner relevait le sien de 4 milliards. Selon une étude menée l'an passé par Standard and Poor's, les entreprises rachetant leurs propres titres surperforment fréquemment celles qui ne le font pas. « Cela envoie un signe aux marchés qu'elles vont régulièrement soutenir le cours de leur action, qu'elles estiment sous-évaluée », expliquait l'agence de notation. Mais une autre étude de Birinyi, citée récemment par « Barron's » dans un article intitulé « Méfiez-vous de la mode des rachats d'actions », estime de son côté qu'il n'y a pas assez d'éléments pour établir une corrélation. Et l'hebdomadaire financier de citer l'exemple de Microsoft. Le géant de Redmond a acquis pour plus de 100 milliards de dollars de titres sur les dix dernières années, ce qui n'a pas empêché son action de perdre en moyenne 5,9 % par an quand le S&P ne reculait que de 0,5 %. L'autre piège, poursuit « Barron's », c'est le timing. Ces programmes sont souvent mis en place quand les entreprises sont en bonne santé financière. Logique. Sauf que le cours de leur action est alors élevé. Et qu'il serait donc plus judicieux de procéder à ces rachats en période de crise, quand les cours sont au plus bas. Ce qu'elles ne font pas. Ainsi en 2009, les entreprises américaines ont acquis seulement pour 125 milliards de dollars de leurs actions. Deux ans plus tôt, quand le S&P 500 évoluait à son plus haut niveau historique, cette somme avait touché le montant record de 863 milliards de dollars ! Cela avait fait dire au milliardaire Warren Buffett que la plupart de ces opérations étaient « absurdes ». Avant de faire la leçon : « Ne rachetez vos actions seulement que si elles s'échangent en dessous de leur valeur intrinsèque, prudemment calculée. » Le sage d'Omaha ne sera, semble-t-il, pas écouté cette année.
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