Les deux mousquetaires

C'est bien connu, les trois mousquetaires étaient quatre. En revanche, on sait moins qu'Alexandre Dumas (père) était... deux. Car l'auteur du « Comte de Monte-Cristo » avait un nègre littéraire : Auguste Maquet, un inconnu, quasi oublié par l'histoire. Pourtant, qu'aurait été le destin d'Alexandre Dumas s'il n'avait pas été flanqué de son fidèle Maquet. En réalisant « l'Autre Dumas », Safy Nebbou, s'emploie à réhabiliter le nom de Maquet. Et il s'en sort bien. L'action se situe peu avant la révolution de 1848. La réputation de Dumas (Gérard Depardieu) n'est déjà plus à faire. C'est un héros littéraire (« les Trois Mousquetaires » sont déjà parus, tout comme les aventures d'Edmond Dantès) mais aussi républicain, depuis son engagement lors des trois journées glorieuses de 1830. À l'inverse, à ses côtés, très effacé, trottine ce pauvre Auguste Maquet (Benoît Poelvoorde), le nègre littéraire (et royaliste), donc, de Dumas. Ce dernier n'arrête pas de lui donner des ordres, des indications, lui demande de finir au plus vite « Vingt Ans après ». Dumas, relit, fignole, ajoute, embellit sa prose. Maquet est subjugué. Mais, un jour, alors que les deux hommes inséparables sont en villégiature dans une auberge de Trouville, la jeune Charlotte (Mélanie Thierry) vient demander secours à Dumas. Elle se trompe de chambre et, sans le savoir, s'adresse à Maquet, qui, immédiatement tombe amoureux de la jeune dame. Maquet va alors se faire passer pour Dumas. Les relations entre le vrai et le faux Dumas vont bien sûr dégénérer.Maître et esclaveC'est un film sur l'identité, le double, l'ombre et la lumière que réussit Nebbou. Depardieu-Dumas écrase le film. L'homme est sûr de lui, hautain, méprisant, égocentrique, rabelaisien. Du sur-mesure pour Depardieu qui n'a pas à forcer son talent. Poelvoorde-Maquet, à l'inverse, joue à merveille l'effacement, le besogneux laborieux. Sa seule place est dans l'ombre du grand homme. Il veut exister mais, en réalité, il ne vit qu'à travers Dumas qui le subjugue. Poelvoorde montre, une fois encore, qu'il est un acteur complet et non simplement un comique.Parallèlement, et c'est l'une des forces du film de Safy Nebbou (déjà réalisateur du « Cou de la girafe » et de « l'Empreinte de l'ange »), la dialectique hégélienne du maître et de l'esclave est ici magistralement illustrée. Quand Auguste Maquet décide de prendre le large et de s'émanciper, Dumas s'effondre. Il n'est plus rien, n'arrive plus à écrire une ligne. Le génie de Dumas a besoin de la plume plate mais foisonnante de Maquet. Finalement, ces deux hommes sont inséparables. In fine, ni leurs idées politiques différentes ni les femmes (Dominique Blanc est excellente dans le rôle de la maîtresse de Dumas) ne parviendront à les séparer. Seulement la mort. Dumas est au Panthéon, Maquet au Père-Lachaise. Et sur sa tombe est écrit : « les Trois Mousquetaires », « le Comte de Monte-Cristo, « la Reine Margot ». Un début de reconnaissance que ce bon film devrait confirmer. nBenoît Poelvoorde (à gauche) campe un Auguste Maquet effacé qui vit dans l'ombre d'Alexandre Dumas (Gérard Depardieu).
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