Rigueur : les labos dans le collimateur des États européens

Le torchon brûle entre les gouvernements européens et les groupes pharmaceutiques. Avec la multiplication des plans de rigueur, le secteur de la santé, largement financé par les États sur le Vieux Continent, est une cible logique. Après l'Allemagne et l'Espagne, la Grèce a mis le feu aux poudres. Début mai, elle a décrété une baisse moyenne de 21,5 % des prix des médicaments. Les ripostes n'ont pas tardé. Le danois Novo Nordisk, leader mondial de l'insuline, et son compatriote Leo Pharma, ont retiré une quarantaine de produits du marché grec. Le chiffre d'affaires concerné est pourtant modeste (35 millions d'euros pour Novo) et la Grèce ne pèse que 2 % du marché européen (3,5 milliards d'euros). Mais le pays a valeur de symbole?: c'est le moins cher du continent et il sert de référence à l'Espagne ou à l'Italie pour fixer leurs propres prix. « Nous craignons un effet boule de neige », confirme-t-on à l'Efpia, la fédération européenne du secteur. L'attention portée aux dépenses de santé par les États n'est pas nouvelle. Mais, jusqu'ici, l'industrie s'accommodait des baisses de prix liées aux génériques et de la sévérité accrue des autorités. « Aujourd'hui, les décisions se prennent dans l'urgence. Il est plus facile de s'attaquer aux industriels du médicament qu'aux dépenses hospitalières », note un expert. « L'impact moyen des baisses de prix sur les ventes européennes [des labos] devrait être de 1,3 % en 2011, soit l'équivalent de la moitié de la contribution en croissance des pays émergents », notent les analystes de Cheuvreux. De quoi annuler les 1 % à 4 % de hausse annuelle attendus (selon IMS Health) jusqu'en 2014 sur les cinq premiers marchés européens. Sans compter que d'autres pays pourraient suivre. Industriels discrets Certains poids moyens nationaux accusent déjà le coup. L'espagnol Almirall, qui tire 55 % de ses ventes de son pays d'origine, prévoit un recul de 5 % de son bénéfice net cette année. En France, Ipsen, Fabre ou Servier sont attendus au tournant car « l'effort demandé au secteur devrait être de 1 milliard d'euros sur trois ans, dont 60 % au moins proviendront des médicaments », estime Patrick Biecheler chez Roland Berger. Les industriels restent encore discrets. « Le retrait de certains produits peut avantager les concurrents. Il n'est pas dit que l'industrie parlera d'une seule voix », estime un expert. Mais les labos sont conscients du danger?: le britannique GSK expérimente des baisses de prix moyennes de 3 % par an en Europe. « Ce que nous demandons, c'est que les prix imposés par ces mesures d'urgence ne servent pas de référence ailleurs », plaide l'Efpia. « En Europe, les systèmes de santé dépendent de gouvernements en déficit [...], d'où la nécessité de nous diversifier », indiquait en mai Chris Viehbacher, le patron de Sanofi-Aventis. C'est là le noeud du problème. Le poids de l'Europe, et donc son intérêt pour les labos, se réduit. D'ici à 2014, sa part sera passée de 31 % à 23 % du marché. « Les industriels feront tout pour préserver leurs marges. Si on leur impose des baisses de prix, ils mettront en balance les emplois concernés », assure un expert. Le bras de fer ne fait que commencer.
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