La finance dicte toujours sa loi aux politiques

Encore la crise, toujours la crise. Pour le deuxième anniversaire de la chute de la banque Lehman Brothers, point d'orgue de la crise financière, de nombreux essais sur la crise seront au rendez-vous de cette rentrée littéraire. Et une fois de plus, la finance n'y fait pas bonne figure. Le dernier ouvrage d'Henri Bourguinat et d'Éric Briys ne fait pas exception à la règle. Le professeur d'économie, spécialiste des marchés financiers, qui n'a cessé d'alerter les politiques sur les dérives de la finance, et l'ancien trader, fin connaisseur des modèles d'évaluation des risques, reviennent un an après leur précédent essai (davantage pour les initiés), « l'Arrogance de la finance », dresser un état des lieux post-crise pour le moins inquiétant. « Cette quasi-volonté de ne rien changer pourrait bien conduire à un seul résultat : la ?re-crise? dont les conséquences seraient encore plus cruelles que celles que nous venons de traverser. » C'est dit, au travers d'une succession de chapitres courts et limpides, souvent sous la forme de commentaires analytiques de l'actualité économique, les auteurs ne peuvent que constater le maintien d'une hyperfinance plus prédatrice qu'utile pour l'économie et le renoncement des pouvoirs publics à tirer les enseignements de la crise. Pire, les États, écrasés par le poids d'une dette publique hypertrophiée par les plans de sauvetage et de relance successifs, sont plus que jamais à la merci des humeurs des marchés financiers qui peuvent, sous la simple menace d'une dégradation du rating d'un pays, infléchir des politiques économiques et budgétaires. Enfin, le secteur bancaire apparaît plus concentré et puissant que jamais. Quant à la nouvelle régulation, les auteurs en dénoncent méthodiquement les faux-semblants. Bref, tout semble fait pour ne pas contrarier le monde de la finance. Pourtant, notent les auteurs, le monde a cependant changé et la crise a permis une prise de conscience des dangers et des limites du système financier international. Le mythe de la globalisation heureuse a bel et bien vécu. C'est la lueur d'espoir de cet essai sans concession. Quelques pistes sont même esquissées pour contrer une évolution qui apparaît aussi funeste qu'inéluctable. La nécessité de revoir en profondeur, non seulement les règles des marchés financiers et la façon dont opèrent les banques, mais aussi les principes qui régissent notre système de libre-échange, source de bien des déséquilibres. Mais aussi de remettre l'intelligence au service de la croissance ou rompre avec cette fâcheuse habitude de nos gouvernants de masquer à tout prix la réalité des choses. C'est bien à un changement de culture et de mentalité qu'appellent de leurs voeux les auteurs. C'est sans doute la rupture la plus difficile à faire. Cet ouvrage est utile car il permet au lecteur d'appréhender les principaux enjeux qui se posent aujourd'hui et ainsi de participer en toute connaissance de cause aux débats qui ne manqueront pas d'agiter nos démocraties. En ce sens, c'est un livre citoyen. Éric Benhamou « Marchés de dupes. Pourquoi la crise se prolonge », par Henri Bourguinat et Éric Briys. Maxima Éditions. 250 pages, 19,80 euros.
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