5La réduction de la dette tue-t-elle la croissance ?

La dette de la France, personne n'y prêtait attention jusqu'au début des années 2000. Puis il y a eu, successivement, les rapports Camdessus et Pébereau, qui ont fait prendre conscience du caractère abyssal de notre endettement public. 26.000 euros par Français ! Quel beau cadeau fait à nos enfants ! Depuis deux ans, le débat sur la dette fait rage, que la crise et l'augmentation des déficits publics n'ont fait qu'aviver. Deux thèses s'affrontent. Pour certains, la dette publique a atteint un niveau inacceptable et, il faut, toutes affaires cessantes, ne pas l'accroître et se mettre en situation de commencer à la rembourser. Et, pour ce faire, des choix budgétaires déchirants doivent être opérés au plus vite. Le rapport Attali II s'inscrit dans cette perspective, qui fait du remboursement de la dette, non pas la seule, mais la principale de ses priorités. L'argument avancé est bien connu : alors que le paiement des seuls intérêts de cette dette constitue, depuis cette année, le premier poste de dépense de l'État, tout accroissement de celle-ci risque de se payer par une dégradation de la note de la France et donc par un accroissement insupportable de notre coût de refinancement. La France menacée d'être convoquée devant la Commission de surendettement mondiale !Dialogue de sourdsVoilà pour les fourmis. Du côté des cigales, sans minimiser l'endettement excessif de la France, ce qui est mis en avant, c'est la gravité de la crise. Dans une période pendant laquelle la plupart des indicateurs économiques restent au rouge, il est urgent de ne pas casser, par des mesures budgétaires inconsidérées, l'amorce d'esquisse d'embryon de reprise qui se profile à l'horizon. Il va falloir, certes, rembourser, mais il est urgent de ne pas se presser de le faire.Le dialogue entre ces deux camps ressemble de plus en plus à un dialogue de sourds. Et si la question posée était sans objet ? Le problème n'est pas de savoir s'il faut ou non rembourser : il vaut toujours mieux être riche et bien portant que pauvre et malade ! La vraie question est : quand et comment ? Quand doit-on réduire la dette ? Si l'on considère que la crise est finie, demain matin. Si, comme moi, on pense que celle-ci est loin d'avoir atteint son paroxysme, la sortie de crise doit être, au moins pour quelques trimestres encore, l'absolue priorité. Comment ? Dans ce domaine, la réponse est simple. Il faut à tout prix que l'État français continue à investir. En matière de recherche, d'éducation et d'aides aux PME, il faut dépenser plus pour gagner plus. Ceci implique qu'il faut, par ailleurs, poursuivre, à marche forcée, la réforme de l'État. Les dépenses courantes de fonctionnement doivent être, rapidement et qualificativement, réduites, ce qui est plus facile à dire pour un économiste qu'à faire pour un politique.Olivier Pastré Professeur d'Économie à Paris VIII
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