La surpopulation est une peur terriblement contemporaine et incroyablement ancienne, comme inscrite dans les gènes de l'humanité. Nos 9 milliards d'habitants en 2045, la crise agricole, la révolte de la jeunesse dans les pays arabes, l'urbanisation galopante redonnent de fait une certaine actualité aux idées de Malthus (surpopulation, famines, guerres) - jamais avérées - mais aussi aux principes « populationnistes » des Lumières (progrès et décroissance de la population), tous aussi erronés. Bref, parler du surpeuplement, c'est surtout entrer dans les problèmes de l'existence, les comportements collectifs, les mutations sociales, le religieux aussi. C'est tout l'intérêt de l'ouvrage sur « l'obsession » du peuplement à travers les âges que propose l'historien Georges Minois, inlassable traqueur de sentiments et d'idées à travers les âges (« Histoire des enfers », « du rire », « du suicide »...). Livre d'histoire et non pas de démographie, l'histoire de l'idée que se font les individus et les sociétés du surpeuplement. De l'enlèvement des Sabines au monde « trop plein » théologique du Moyen Âge (qui prône l'abstinence), des ligues « populationnistes » qui combattent Malthus à la bombe P de William Vogt dans les années 1950 ou « l'autogénocide » de l'Europe ou du Japon, toutes les idéologies sont passées au crible, avec leur application pratique en termes de lois, de codes moraux et de théories scientifiques. Aujourd'hui, c'est le grand retour de Malthus à l'aune de l'explosion démographique qui ravive les peurs (espoirs ?) de la fin des temps. À la question, « le monde est-il surpeuplé ? », l'auteur répond sans hésiter, oui ! Mais, souligne-t-il, la démographie est une question abstraite, et donc culturelle. Certains enverront au nouveau-né « une lettre de bienvenue » et d'autres, une « lettre d'excuses ». E. B.

latribune.fr

10 Mars 2011, 21:27

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