Le difficile accouchement d'un « Quai d'Orsay » européen

Notre réseau diplomatique est vieux de 400 ans », déclarait récemment un député néerlandais, en plein débat budgétaire à La Haye. Les diplomates français se sont installés au Quai d'Orsay il y a 150 ans et les Britanniques ont ouvert leur première ambassade en Chine dans les années 1730. L'Union européenne, elle, entreprend de créer de toute pièce son service diplomatique... en quelques mois. Il reste aujourd'hui moins de sept semaines à Catherine Ashton, la principale architecte de ce chantier très sensible car très politique, pour faire accoucher les Vingt-Sept d'un « Service européen d'action extérieure » (SEAE). Mais celle qui a été nommée en décembre Haute Représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ne part pas tout à fait de rien. Les 136 nouvelles représentations de l'Union européenne à travers le monde vont être bâties le plus souvent à partir des délégations de la Commission européenne existantes. Mais elles reprendront le rôle joué jusqu'alors par les ambassades des pays occupant la présidence tournante, lesquelles représentaient, au plan diplomatique, l'Union européenne. Ce système où les autorités étrangères changeaient constamment d'interlocuteur va donc prendre fin (lire l'exemple de New Delhi, ci-dessous).« Si on veut que cela soit approuvé fin avril, il faut mettre les bouchées doubles », s'impatiente un diplomate. Or il reste à esquisser tout l'organigramme du nouvel ensemble et à pourvoir les postes clés. Ces vénérables maisons que sont les chancelleries nationales regardent le « SEAE » avec un mélange de complaisance et d'envie. Paris et Berlin font assaut de candidats pour « seconder » Mme Ashton. Les Britanniques défendent la création d'un poste de directeur général politique, qu'ils estiment taillé sur mesure pour l'un d'eux, l'actuel directeur général au Conseil et très respecté Robert Cooper. L'Italie, elle, s'agace de ne pas avoir voix au chapitre. La cinquantaine de postes de chefs de délégation à pourvoir d'ici l'été, dont Tokyo, Le Cap et Pékin aiguisent tout autant les appétits des diplomates nationaux.« Au total, quelque 6.000 personnes formeront à terme le service européen d'action extérieure en provenance de la Commission, du secrétariat du Conseil et des états membres » pour un gros tiers, souligne un diplomate. Dissensions« Les luttes pour le pouvoir et l'influence sont inévitables, cela ne peut se faire dans une atmosphère totalement sereine », explique Thomas Klau de l'European Council for Foreign Relations. Et d'ajouter : « On est dans un scénario de construction qui va prendre des années, certainement pas quelques semaines ou quelques mois. » Les Vingt-Sept feront une premier bilan du fonctionnement de leur service diplomatique commun en 2012. n
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