Quitte à briser des tabous, la BCE actionne tous ses leviers

Le sauvetage de l'euro méritait bien que la Banque centrale européenne fasse subir quelques entorses à ses dogmes. Elle s'est finalement résolue à activer trois boutons, dont celui que les marchés ont baptisé le bouton nucléaire, c'est-à-dire l'achat de titres de la dette publique (et privée) des pays membres de la zone euro. Elle ne pourra intervenir que sur le marché secondaire de la dette, celui de la revente de titres, ses statuts lui interdisant l'accès au marché primaire. Mais cela ne fait pas grande différence, du moins sur l'impact d'un tel geste, destiné à assurer la détente des rendements obligataires.Pour éviter d'être accusée de faire marcher la planche à billets et préserver son statut de gardienne de la stabilité des prix, la BCE a insisté sur le fait que ces opérations seront neutres en termes de liquidités en circulation dans le système : pour qu'elles ne viennent pas gonfler son bilan, la BCE stérilisera ces achats de titres de dette publique auprès du système bancaire, soit en augmentant le taux de rémunération des réserves excédentaires, soit en les compensant par ses opérations de ponctions de liquidités.Car c'est sa crédibilité même qui est en jeu. Non seulement, la BCE se met à l'heure de l'assouplissement quantitatif, alors que la Réserve fédérale et la Banque d'Angleterre ont achevé leurs propres programmes de 300 milliards de dollars d'achat de titres de dette souveraine et de 200 milliards de livres respectivement. Mais encore, elle a dû briser un troisième tabou, après avoir accepté la participation du FMI au sauvetage grec puis l'éligibilité de tous les titres helléniques, même ceux qualifiés de « pourris », à ses opérations de refinancement. Jean-Claude Trichet n'avait-il pas affirmé, pas plus tard que jeudi dernier, que l'option d'achats d'emprunts d'État n'avait même pas été évoquée par le conseil de la BCE.Lundi, avant même que l'ampleur du programme ne soit connue, le président de la BCE a confirmé que toutes les banques centrales de l'Eurosystème avaient commencé à acheter des titres obligataires. Si les marchés jugent le plan crédible, il est probable que ces rachats resteront limités. Parallèlement, la BCE a réactivé deux des outils non conventionnels utilisés après la faillite de Lehman et auxquels elle avait renoncé au nom de la stratégie de sortie de crise. D'abord, les contrats de swaps (échanges) de devises entre sept grandes banques centrales, dont la Fed et la Banque du Japon ont été exhumées. Une opération en dollars à 84 jours aura lieu le 18 mai. Ensuite, la BCE a rétabli la procédure du taux fixe pour les adjudications à 3 mois qui se dérouleront le 26 mai et le 9 juin et elle a remis en place ses prêts à long terme. Un appel d'offres à six mois sera proposé le 12 mai. Deux mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité par le passé et qu'elle aurait pu ressortir des tiroirs la semaine dernière. Tout faire en bloc donne cependant plus de poids à ce geste historique. Isabelle Croizard
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