Chute des revenus et des profits pour les sociétés de gestion

La gestion d'actifs est finalement loin d'être un long fleuve tranquille. Après des années de forte croissance, la crise est venue rappeler aux professionnels que ce n'était pas une activité sans risque, qu'elle pouvait consommer des fonds propres et ne pas être rentable. « Will the goose keep laying golden eggs ? » (la gestion d'actifs continuera-t-elle d'être la poule aux ?ufs d'or ?), le titre de la 11e étude mondiale du cabinet McKinsey colle bien au contexte actuel. Et McKinsey de rappeler que l'étude porte ce nom depuis l'origine.En 2008, les encours sous gestion dans le monde ont baissé de 19 % à 26.000 milliards de dollars, montre l'étude. Cette chute est principalement liée à un effet marché négatif, la décollecte étant finalement assez limitée (voir graphique). Mécaniquement, la baisse des actifs s'est répercutée sur les revenus des sociétés de gestion. En Europe, les revenus et les profits ont respectivement chuté de 20 % et 40 % entre 2007 et 2008.économies d'échelleDes sociétés, notamment les filiales de banques, se sont donc interrogées sur l'intérêt de rester ou pas dans ce métier. Avec des réponses diverses. Barclays a vendu Barclays Global Investors pour 13,5 milliards de dollars à BlackRock, qui est devenu le plus grand gérant au monde avec plus de 2.700 milliards de dollars d'actifs sous gestion. Crédit Agricolegricole et Société Généralecute; Générale ont créé un joint-venture détenu à 75 % par la Banque verte. D'autres ont opté pour l'adossement comme Tocqueville Finance avec la Banque Postale. Un mouvement de consolidation a eu lieu. « Ce secteur en avait besoin, indique Pierre-Ignace Bernard, directeur associé McKinsey France. Les acteurs ont vu qu'ils pouvaient réaliser des économies d'échelle, mutualiser les compétences, les coûts. La crise a accéléré les mouvements attendus. » Le paysage de l'industrie s'est redessiné. Mais « la bipolarisation de l'industrie perdurera car la gestion d'actifs est un métier de talents et les barrières à l'entrée sont assez faibles, explique le consultant. D'un côté, de gros acteurs en termes d'encours gérés, et de l'autre, des maisons spécialisées ».Pour 2009, malgré une remontée des marchés actions depuis le printemps et une collecte positive (de l'ordre de 92 milliards d'euros en Europe entre janvier et juillet), la situation ne devrait guère être plus brillante en termes de résultats économiques. La faute à un effet de base très mauvais. Ainsi, le cabinet McKinsey anticipe une baisse moyenne des revenus et des profits pour l'industrie européenne de respectivement 15 % et 23 %.Pérenniser l'activité devient une priorité afin de « reconstruire la route d'une croissance profitable », comme l'indique le sous-titre de l'étude. Cela impose une maîtrise des coûts. « Pour la première fois, l'étude a révélé une diminution des coûts en valeur absolue, note Pierre-Ignace Bernard. En Europe, elle est de 4 % mais reste inférieure à celle des encours (? 7 %). » Cela implique moins d'embauches, de dépenses annexes (marketing, publicité, voyages, différer le renouvellement du parc informatique, etc.), de versements de bonus. La tendance devrait se poursuivre cette année avec une baisse des coûts estimée à 11 %. Un important travail sur la gestion du risque doit aussi être entrepris. Certaines maisons ont coulé car elles n'ont pas su appréhender correctement le risque de liquidité. Cela implique une meilleure gouvernance et un contrôle du risque « métier », qui est démesuré lorsqu'un gérant est exposé, par exemple, à une seule classe d'actifs avec le risque d'enregistrer d'importants rachats.Les plus optimistes verront dans la crise une opportunité de revoir leur modèle et l'approche de leur métier. « L'industrie doit redéfinir ses frontières, son champ d'intervention », recommande Pierre-Ignace Bernard. D'autant que les frontières traditionnelles tombent les unes après les autres. Ainsi, les fonds de « private equity » s'aventurent sur des titres du coté et les hedge funds sur du non-coté. Les fonds « classiques » utilisent des techniques jusque-là réservées à la gestion alternative, cette dernière envisageant à son tour de créer des produits onshore. Une convergence entre les gérants alternatifs et traditionnels s'opère doucement. Par ailleurs, « les gérants doivent partir des besoins des clients : cela veut dire tenir compte des attentes de protection du capital, de liquidité et, pourquoi pas, intégrer une dimension de longévité dans l'offre de produits d'épargne, en travaillant davantage avec les assureurs », estime le consultant.Si les grandes maisons seront sur tous les fronts, que ce soit en termes d'actifs ou de zones géographiques, le défi pour elles sera de pouvoir gérer tous les produits de manière efficiente. Bien identifier ses compétences, en acceptant d'abandonner certaines activités, permettra aux sociétés de gestion de répondre plus efficacement aux besoins des clients, aussi bien institutionnels que particuliers, devenus très exigeants avec la crise. « Il est primordial d'avoir une vision ?granulaire? de la croissance de l'industrie, c'est-à-dire fine et non agrégée, afin d'identifier les zones de collecte, insiste Pierre-Ignace Bernard. Il faut aller chercher la croissance là où elle se trouve. Cela impose un gros travail de marketing en amont pour ensuite affecter les moyens produits et commerciaux. »
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