L'agence de protection des consommateurs menacée au Sénat américain

L'espoir de l'adoption d'une réforme de la supervision financière par le Sénat renaît à Washington. Quelques jours après que les principaux négociateurs démocrates et républicains ont rompu leurs négociations, estimant qu'elles se trouvaient dans une « impasse », le Congrès a entamé, vendredi soir, une semaine de vacances parlementaires alors que des compromis étaient en passe d'être scellés. Rompant avec ses collègues républicains qui l'ont pourtant enjoint de ne pas reprendre seul les discussions avec les démocrates, Bob Corker, du Tennessee, a négocié avec le président de la commission bancaire du Sénat, Chris Dodd, un texte visant à mieux encadrer les produits dérivés et à démanteler les établissements jugés risqués pour l'ensemble de l'économie, ce qui abolirait la notion de « trop grand pour sombrer » (« too big to fail »).Les démocrates contraints aux compromis Privés de majorité qualifiée depuis leur défaite dans le Massachusetts, les démocrates pourraient ainsi faire passer leur réforme au Sénat. Mais pour cela, ils devront renoncer à l'Agence de protection des consommateurs (CFPA), chère à Barack Obama. « La protection du consommateur est probablement LE sujet chaud, et le sénateur Dodd et moi sommes tombés d'accord pour le mettre de côté pour le moment », a prévenu Corker. Combattue par les lobbys de Wall Street, mais déjà adoptée par la Chambre des représentants dans son projet de loi réglementaire voté en décembre, la CFPA a vocation à protéger les particuliers des abus de l'industrie financière, notamment en matière de crédits. Les deux sénateurs songent à remplacer cette agence par une division qui serait logée au sein du Trésor, ou à confier ses compétences à un nouveau régulateur bancaire, comme le souhaite le sénateur républicain Richard Shelby, qui, jusqu'à la rupture des précédentes négociations, menait les discussions avec Chris Dodd.De difficiles négociations en vuePour le sénateur démocrate Mark Warner, qui participe à l'élaboration du texte négocié par Chris Dodd et Bob Corker, les deux élus sont d'accord « à 98 % » sur les moyens à employer pour prévenir le « risque systémique ». Mais même si le Sénat parvenait à voter leur projet de loi, sa fusion avec celui de la Chambre des représentants promet d'être laborieuse. Arguant que les régulateurs existants se sont montrés incapables de prévenir la crise des crédits subprime, les représentants s'opposent au sacrifice de l'Agence des consommateurs auquel semblent se résigner les démocrates du Sénat. De son côté, Barack Obama a averti dans son discours sur l'état de l'Union du 27 janvier qu'il serait inflexible sur la refonte de la régulation financière et renverrait devant les élus toute loi qui ne passerait « pas le test de la réforme véritable ».Les retards de la « règle de Volcker »Mais qu'il s'agisse de la santé ou de la finance, le président n'en serait plus, s'il cédait sur la CFPA, à un compromis de plus. Jeudi, l'hôte de la Maison-Blanche a indiqué ne pas être particulièrement choqué par les bonus perçus par les patrons de JP Morgan Chase et Goldman Sachs, respectivement Jamie Dimon et Lloyd Blankfein, des « hommes d'affaires très doués ». D'autant que ces primes, versées à ces généreux donateurs des campagnes démocrates, l'ont été en titres. Outre la CFPA, Barack Obama devra peut-être renoncer à ses plus récentes propositions réglementaires, du moins à moyen terme. Wall Street s'insurge contre les réformes concoctées par l'ancien président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, visant à placer les banques devant un dilemme : continuer à bénéficier des aides fédérales réservées aux établissements de dépôts ou renoncer à spéculer pour leur propre compte, à posséder des hedge funds et des sociétés de capital-investissement. « Cela fait plus d'un an que nous délibérons sur la réforme de la régulation. Malheureusement, le gouvernement a attendu jusque-là pour mettre ce concept très important sur la table », a regretté le républicain Richard Shelby. Même les démocrates sont sceptiques : Chris Dodd a estimé que ces nouvelles propositions risquaient de compliquer le travail parlementaire. Quant à un autre membre de la commission bancaire, Mark Warner, il juge qu'en l'absence d'accords internationaux l'interdiction du trading pour compte propre serait compromise.
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