« Eugène Onéguine »  : un beau ténébreux à Lille

En cette année franco-russe où la France et la Russie ont décidé de fêter leur musique et littérature respectives, l'Opéra de Lille ne pouvait pas mieux débuter 2010. En programmant « Eugène Onéguine » de Tchaïkovski, il plonge en effet le spectateur français dans l'univers slave le plus pur. Tiré d'un poème de Pouchkine, cet opéra résume à lui seul la musique de Tchaïkovski tout à la fois tendre et débordante de romantisme. L'intrigue est de la même étoffe. Dans la campagne russe, deux jeunes s?urs connaissent leurs premiers émois amoureux. L'une, Olga, est aimée de Lenski. L'autre Tatiana, tombe éperdument amoureuse d'Eugène Onéguine et le lui écrit dans une lettre. Il lui répondra toutefois qu'il ne l'aime pas. Elle en nourrit un profond chagrin. Plusieurs années après, on retrouve, lors d'un banquet, Onéguine méditant sur sa vie dénuée d'intérêt. Il y rencontre Tatiana mariée à un riche prince. Onéguine tombe à son tour amoureux d'elle. Mais celle-ci, soit par vengeance, soit par devoir moral, soit par lucidité parce qu'elle sait que cet amour est voué à l'échec, repousse ses avances, le laissant dans les ténèbres les plus désespérés.Ombres et lumièresL'orchestre dirigé par Pascal Verrot est sobre, abandonnant aux chanteurs la première place. Les jeux de voiles et de lumières, dans la mise en scène de Jean-Yves Ruf, sont assez réussis donnant aux ombres un rôle à part entière. Et Dieu sait si ces ombres foisonnent dans l'?uvre de Tchaïkovski. L'ombre de la mort, l'ombre de l'amour malheureux, l'ombre du temps qui passe et ne reviendra plus, comme le fait d'ailleurs remarquer Lenski juste avant de se faire tuer par son meilleur ami, Onéguine, à l'occasion d'un duel stupide, où les hommes se laissent parfois dépasser par le destin. Olga (Louise Poole) et Tatiana (Dina Kuznetsova) sont très alertes dans leur rôle de jeunes filles sur le point de basculer dans le monde des femmes. Tatiana est encore plus convaincante lorsque, dans le 3e acte, elle repousse de façon déchirante les avances d'Onéguine. Le Norvégien Audun Iversen, dans le rôle-titre, est tout en nuance. Son timbre chaleureux est plus particulièrement émouvant, à la fin, lorsqu'il se rend compte que Tatiana l'aime mais lui résistera définitivement. Seul bémol à cette magnifique incursion dans les méandres russes dignes des plus belles pages de Tchekov : les costumes, dont les couleurs parfois criardes, finissent par ternir la personnalité hors norme des protagonistes. Mais l'essentiel demeure : il n'y a pas d'amour heureux? Pascale Besses-Boumard
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