Le fantasme de l'État infaillible

Puisque le marché a failli, l'État est donc de retour. Pour sortir de la crise financière, Nicolas Sarkozy s'est fait avec un certain succès le chantre de la régulation et du volontarisme?: plan de relance, grand emprunt, fonds stratégique d'investissement, soutien aux PME, états généraux de l'industrie. Une politique qui rappelle la France gaulliste ou mitterrandienne, au point qu'aucun responsable n'oserait aujourd'hui défendre ouvertement le libéralisme et l'autorégulation de l'économie.Mais suffit-il d'invoquer l'intérêt général pour le promouvoir?? Tous deux professeurs d'économie financière, l'un à Toulouse, l'autre à HEC, Augustin Landier et David Thesmar en doutent. Ils veulent au contraire démontrer que « le mythe de l'État bienveillant est tout aussi dangereux que celui de l'autorégulation ». Déjà en 2007, dans « le Grand Méchant March頻 (Flammarion), ils s'en prenaient à cette inclinaison très française pour l'économie dirigée et le capitalisme d'État où les dirigeants d'entreprise sont souvent d'anciens inspecteurs des finances ou ingénieurs des Mines.Dans ce nouveau livre qui fourmille d'exemples récents, ils en remettent une louche, avec tout spécialement dans leur collimateur les politiques et les hauts fonctionnaires censés incarner la neutralité de l'État et défendre ce fameux intérêt général. « Le pari français de croire les hommes d'État suffisamment forts pour résister aux pressions est un conte de fées. » « En France, les groupes d'intérêts ne capturent pas le régulateur?: ils sont installés au sein même de l'appareil d'État », assènent-ils. Cet enchevêtrement des intérêts particuliers avec l'intérêt général serait l'une des explications Ce n'est pas Jacques Attali, chargé par l'Élysée de relancer sa commission sur les freins à la croissance qui dirait le contraire... Entre le méchant marché et l'État faussement neutre, nos deux auteurs ne proposent pas une énième troisième voie. Plus prosaïquement, ils demandent à la puissance publique d'assumer « sa nouvelle fonction régalienne »?: la production d'informations fiables pour comprendre la société. « À l'heure où fabriquer ne coûte presque rien, il ne s'agit plus de produire davantage mais de savoir plus pour produire mieux. » Malheureusement, cette partie du livre reste trop elliptique et théorique pour jauger les pistes proposées. Patrick Coquid髠La Société translucide. Pour en finir avec le mythe de l'État bienveillant », Augustin ­Landier et David Thesmar, Fayard, 282 ­pages, 18,50 euros.
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