Wauquiez retrouve le pied marin

Ils se sont donné rendez-vous au Crouesty hier. En fidèles adeptes, les plaisanciers propriétaires de Wauquiez se retrouvent tous les deux ans depuis 2006 pour tirer des bords en Bretagne et échanger moultes anecdotes autour de leurs aventures maritimes. L'initiative « Wauquiez for ever » vient de Charles-Henri, fils du fondateur décédé et aujourd'hui pilote de ligne à Air France. Ce week-end, nul doute que, sur les pontons et dans les cockpits, les conversations tourneront autour de la renaissance de leur chantier favori. Après un passage de près de dix ans dans le giron du groupe Beneteau, Wauquiez est sorti fin avril du plan de sauvegarde sous lequel il était placé depuis juillet 2009. Mais, surtout, il renoue, après des années d'industrialisation à marche forcée, avec ce qui faisait sa force d'antan?: une fabrication artisanale. Il a récolté les fruits de ses efforts?: lors du dernier Salon nautique de Paris, la file d'attente pour visiter ses bateaux ne désemplissait pas. L'hommage a été rendu par les visiteurs au petit nouveau, l'Opium 39.L'artisan de ce changement de cap s'appelle Hugues Thiebaut, nommé en décembre 2008 à la tête de Wauquiez par le nouveau propriétaire, le fonds d'investissement luxembourgeois Verdoso. Son parcours ne le prédestinait pas à skipper ce navire - il était dans la location de voitures -, mais, navigateur par plaisir, il s'est pris au jeu de barrer par gros temps. Sur le plan industriel d'abord. Sous l'ère Beneteau, chaque métier dans les ateliers construisait un bout du bateau à la chaîne. Il en sortait une soixantaine par an, dont peu à la marque. Le leader français séduit par le potentiel du chantier lillois - non par son savoir-faire - faisait en fait du Beneteau chez Wauquiez. Fort de dizaine de milliers de voiliers pour plaisanciers en vacances, il n'a jamais investi le domaine de la grande navigation. Or c'était là tout le savoir-faire de Wauquiez devenu une légende dans le monde des « voileux » avec ses bateaux solides, marins, sachant braver les tempêtes.Pour retrouver cette robustesse, il a fallu remettre chaque ouvrier spécialisé à son poste. Cinq chefs d'équipe dirigent la construction d'un bâtiment avec une équipe dédiée pendant un mois et demi à trois mois selon la taille du bateau, construit à la commande. L'atelier de menuiserie situé contre les aires de montages permet une adaptation sur mesure. Le travail du teck est effectué à la main. Exit les arbres en Inox qui encadrent les couchettes, pour revenir à du bois moulé plus élégant, signature de la marque. Patrick Quenieux, chef d'équipe et responsable menuiserie, près de trente ans d'ancienneté, n'a rien perdu de son professionnalisme?: « Les cloisons reçoivent plusieurs couches de vernis avant d'être cirées à la cire d'abeille à la main. Les bateaux retrouvent leur personnalité. » Et ne doivent plus rien garder des détails qui pourraient donner l'impression d'embarquer à bord d'un voilier de série.Personne ici ne renie cependant l'apport de Beneteau qui a sauvé le chantier placé sous liquidation judiciaire en 1997. « La sous-traitance nous a donné un savoir-faire industriel notamment la commande numérique, mais les ouvriers n'avaient plus le coeur à l'ouvrage, raconte Jean-Pierre Dautricourt, chef d'équipe, vingt-neuf ans d'ancienneté. On retrouve aujourd'hui l'esprit du fondateur Henri Wauquiez, avec lequel on construisait des bateaux pour durer. Et on forme les jeunes aux anciennes méthodes de fabrication. Notre travail a repris sa valeur. » Il y a quelques semaines, Jean-Pierre recevait avec le PDG le client du Pilot Saloon 47 dont il a la responsabilité... Car non content de reprendre une fabrication artisanale, Hugues Thiebaut a également travaillé la relation commerciale de façon personnalisée. Le client accède via le site Internet par code secret à un espace dénommé « le carr頻 sur lequel il suit toutes les étapes de fabrication de son voilier, photos à l'appui. « Nous vendons des bateaux de parti pris, pas de compromis. Il y a une réalité humaine derrière ce chantier. Son histoire est exemplaire, il a connu tellement de hauts et de bas », résume fièrement Hugues Leblond, depuis treize mois chez Wauquiez et pro du nautisme. Il s'applique à reconstruire le réseau à l'international.Résultat de cette remise à flot de l'année 2008-2009?: des bateaux très bien finis vendus entre 350.000 euros et 550.000 euros pour un Pilot Saloon 47, et 250.000 euros à 350.000 euros pour un Opium 39. Mais cinq seulement de vendus en pleine tempête financière. Le chiffre d'affaires a continué de jouer au yo-yo (7 millions d'euros en 2007, 15 millions en 2008, 8 millions en 2009), le résultat est resté dans le rouge et les salariés n'évitent pas le débarquement de 22 des leurs à l'été 2009. Seul le plan de sauvegarde pouvait repousser l'imminence du naufrage. « C'était dommage de mourir guéri », souligne le patron qui lance alors un tour de table. Verdoso salue les premiers efforts en ajoutant 600.000 euros aux 2,8 millions d'euros injectés au moment de la reprise du chantier, et en cédant 12 % du capital au management. Le fonds d'investissement local Finorpa (ex-Charbonnages de France détenu par le conseil régional) accepte également de faire confiance à la nouvelle équipe en apportant 150.000 euros sous forme d'obligations convertibles. Ainsi que Lille Métropole Communauté Urbaine sous forme d'une avance remboursable de 200.000 euros. Preuve que le chantier reste une figure locale avec ses 2.500 bateaux construits depuis sa fondation, dont 90 % naviguent encore. Nombre de ses artisans y travaillent depuis des dizaines d'années. Seules les banques sont restées à la fenêtre, échaudées par l'histoire mouvementée du chantier qui connut en 1981 un dépôt de bilan et deux liquidations judiciaires en 1992 et 1997.Au total 1,6 million d'euros récoltés et un carnet de commandes qui affiche complet - 13 bateaux vendus pour 2009-2010 sur un objectif de 22 - mettant fin le 26 avril dernier à la procédure de sauvegarde. « Nous croyons désormais tous en l'avenir de la sociét頻, confie Ludovic Putoict, trésorier du comité d'entreprise et chef d'équipe d'un Opium 39. Le capitaine met aujourd'hui le cap sur l'excellence. En qualité - prime à l'équipe qui respecte délais et niveau de finition -, en management - cours de navigation pour le personnel - et en marketing - les prospects sont invités à l'usine. Objectif?: élargir les gammes Opium et Pilot Saloon, avec des bateaux plus grands, la tendance du marché actuel. Et puis il y a le rêve d'Hugues Thiébault?: un mini-yacht de 65 pieds très haut de gamme. Il trône en maquette à l'entrée de son bureau à la vue de tous comme le symbole de ce que devra être demain Wauquiez?: une marque de luxe française dans le monde de la plaisance. Sophie Péte
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