Coupables ? Quels coupables ?

À Hollywood, tout est souvent bien qui finit bien. Prenez « Wall Street 2 » par exemple. À la fin du film d'Oliver Stone, directement inspiré par la crise financière de 2008, et plus particulièrement par la faillite de Lehman Brothers, Gordon Gekko, l'investisseur sans scrupule, retrouve un semblant de probité. Et le banquier véreux responsable de la chute de la vénérable institution Keller Zabel Investments termine sous les verrous. La morale est donc sauve ! Dans la « vraie vie », les choses sont différentes. Prenez donc Lehman Brothers. Depuis sa faillite en septembre 2008, les autorités américaines cherchent en vain des motifs pour poursuivre ses anciens dirigeants. Et la Securities and Exchange Commission, le gendarme boursier, commencerait sérieusement à douter qu'elle puisse un jour prouver que Dick Fuld et ses acolytes ont violé la loi, notamment en utilisant le « Repo 105 ». Un bien bel artifice comptable qui a permis à la banque d'affaires - mais pas seulement - de maquiller pendant des années son bilan. Cette méthode controversée consiste à souscrire des prêts à très court terme auprès d'autres établissements financiers, en apportant divers actifs comme garantie. Ces actifs sont récupérés quelques jours plus tard. Réalisées juste avant la publication des résultats trimestriels, ces opérations sont enregistrées comme des ventes, alors qu'il s'agit de fait d'emprunts. Et la magie s'opère : dans les comptes, la dette est allégée et les liquidités renforcées. Lehman Brothers et son auditeur Ernst & Young y ont eu recours dès le début des années 2000. Ces « habillages de vitrine » ont ensuite atteint des sommets après le déclenchement de la crise des subprimes : juste avant sa chute, la banque aurait ainsi dissimulé aux marchés 50 milliards de dollars d'engagements. « C'est devenu une autre de nos drogues », reconnaissait un des responsables financiers de l'établissement, dans un courrier électronique daté d'avril 2008.Bien que très contestable, cette pirouette comptable n'aurait rien d'illégale. Elle n'aurait même pas véritablement trompé les actionnaires sur la santé financière de la banque, auraient conclu les enquêteurs de la SEC. Difficile dans ces conditions d'espérer remporter un procès au civil ou au pénal. Les anciens de Lehman devraient donc être lavés de tout soupçon... comme tous les autres banquiers de la place ! Deux ans et demi après le déclenchement de la crise financière, aucun grand nom de la finance n'a encore été condamné. Même Angelo Mozilo, l'ancien roi des subprimes avec Countrywide Financial, a finalement écopé d'une simple amende au civil, avant l'abandon des poursuites au pénal. « Il peut être pire de perdre un procès que de ne pas en avoir du tout », justifient les experts judiciaires. Une seule affaire est jusqu'à présent arrivée devant les tribunaux. Elle concernait deux anciens responsables de la banque Bear Stearns, au bord de la faillite avant d'être reprise par JP Morgan en mars 2008. Verdict : non coupables. Car contrairement à Hollywood, personne n'est vraiment coupable dans la vraie vie.
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