Un taux de futurisation pour mieux refléter la rareté du monde

L'intérêt soulevé par le thème de l'environnement témoigne d'une prise de conscience, celle de l'impossibilité de parler de progrès et de croissance économique sans faire intervenir cette « déséconomie » que constitue l'atteinte, portée par tout acte de production et de consommation, à l'équilibre naturel qui est la condition même de notre vie. Cette prise de conscience peut conduire à deux attitudes.L'une, proche du fatalisme, est marquée par le sentiment d'un péché originel. La révolte se traduit alors par le refus du progrès technique, par une nostalgie de communautés de forme tribale, par la lutte pour soustraire la nature à l'influence de l'homme. L'autre aboutit à la conclusion « qu'il faut agir, maintenant, et s'en donner les moyens ». Seule la seconde attitude peut donner une vraie réponse au problème des relations entre l'homme et le milieu naturel, dans un contexte d'urbanisation et d'industrialisation croissantes.Une approche économique des moyens à mettre en oeuvre passe par la prise en compte des « effets externes » des mécanismes de production et d'échange de biens. La théorie des externalités permettrait de corriger les « zones d'ombre » du jeu du marché, en particulier lors de l'analyse SWOT [ou AFOM - Atouts, Faiblesses, Opportunités, Menaces - qui combine l'étude des forces et des faiblesses d'une organisation, Ndlr] avec celle des projets d'investissement et d'allocation de ressources, qu'ils soient privés ou publics. Ces zones d'ombre apparaissent principalement lorsque l'usage privé de l'environnement est accessible gratuitement, et qu'il est donc considéré comme un coût - ou un avantage - de valeur nulle. Le problème revient donc à estimer le prix de coûts ou d'avantages que le marché n'appréhende pas, ou de façon imparfaite, et dont le prix ne donne pas une estimation pertinente.À cette difficulté, s'ajoute la nécessité de rechercher, comme nous y invitait Bertrand de Jouvenel, à « des actions à longue portée propres à rendre ce qui sera le présent de nos successeurs meilleur qu'il n'eût été sans elles. Mais aussi (...) l'intrusion du critère d'un résultat lointain dans les décisions prises pour le moyen ou le court terme ».L'outil mathématique permettant cette comparaison de coûts et d'avantages égrenés dans le futur à des périodes différentes est très éprouvé : c'est l'actualisation, qui permet de déterminer la valeur actuelle de flux futurs. En matière environnementale, la réflexion a conduit à prôner une valorisation croissante des actifs naturels, en application de la théorie de Hotelling, considérant que cette dernière pourrait compenser à terme l'effet de l'actualisation. Cette approche consistant à refuser la « dictature du présent » a été reprise il y a quelques années par le Commissariat général du Plan.Face à la déferlante « Green » qui touche aujourd'hui tous les domaines d'activités - architecture, matériaux, agroalimentaire, vestimentaire,...-, peut-être faut-il aller plus loin ? Le taux d'actualisation, agrégeant préférence pour la jouissance immédiate, monétarisation du temps et aversion au risque n'est peut-être plus l'outil adapté pour servir d'aide à la décision. La théorie (Martin Weitzman, rapport Stern,...) enseigne que le taux d'actualisation est toujours positif, au mieux peut-il tendre vers zéro pour intégrer la nécessité de préserver les ressources naturelles non renouvelables, notamment au nom d'une équité intergénérationnelle.Mais la question n'est plus celle-là. Il est temps de promouvoir un autre taux de substitution entre le futur et le présent. Je propose le taux de « futurisation » : pour certains biens ou services, ce taux reflétera plus que la rareté future en quantité, mais également la valeur très élevée que lui accorderont les consommateurs à l'avenir, aboutissant à un prix multiplié par rapport au prix présent.Certes, la prise de décision relative à un investissement deviendra plus complexe puisqu'il conviendra d'affecter aux différents facteurs, soit un taux d'actualisation, soit un taux de futurisation. Mais, comme le disait B. Gross dans l'analyse des modèles sociaux, vaut-il mieux avoir une mesure approximative de ce qu'on le recherche ou des mesures précises d'éléments proches de la cible étudiée ?Perspective
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