Comment les grands assureurs mondiaux couvrent le risque nucléaire

L'assurance de la responsabilité d'un exploitant nucléaire est régie par des conventions internationales. Cette industrie a en effet par nature un caractère international et comporte des risques importants de dommages transfrontaliers. Ainsi dans les années 1960 ont été signées par les pays de l'OCDE les conventions de Paris et de Vienne, complétées quelques années plus tard par la convention de Bruxelles. L'ensemble du dispositif a été rénové à la suite de la catastrophe de Tchernobyl de 1986. L'objectif est d'établir un régime de responsabilité qui clarifie la procédure d'indemnisation en évitant les conflits entre professionnels ou entre États, et qui fixe des plafonds financiers.Concrètement, le mécanisme comporte trois étages. Jusqu'à 91 millions d'euros d'indemnisation au titre de la responsabilité civile de l'exploitant, ce sont les « pools » d'assureurs et des mutuelles créés par les exploitants nucléaires (comme Areva ou EDF en France) qui se réassurent ensuite sur le marché mondial. Les « pools » sont des structures de mutualisation qui réunissent un ensemble de sociétés d'assurances par pays. Il en existe dans les pays développés dont le Japon. En France, le pool se nomme Assuratome. La mutualisation est en effet indispensable car « les risques nucléaires sont des risques à très faible fréquence et à très forte intensité » explique Martin Ferté, membre du directoire du courtier d'assurances Siaci Saint Honoré, spécialisé notamment dans la couverture de ce type de risques.Lorsque l'indemnisation au titre de la responsabilité civile dépasse 91 millions d'euros, c'est l'État du pays où l'accident a eu lieu qui couvre jusqu'à 228 millions d'euros. Au-delà de ce montant, les États signataires de la convention de Bruxelles financent collectivement jusqu'à 381 millions d'euros. Cette convention donne la priorité aux réparations des dommages corporels par rapport aux dommages aux biens.Dans le cas de la catastrophe survenue au Japon, la mise en oeuvre du régime de responsabilité soulève des questions. La responsabilité civile de l'exploitant ne devrait pas être engagée dans l'accident dans la mesure où la cause ne relève pas d'une faute du producteur d'électricité mais d'un événement naturel. En effet, « le risque nucléaire et le risque naturel sont deux types de risques bien différents », explique Martin Ferté. Néanmoins, selon nos informations, des négociations seraient en cours entre le pool d'assurance français Assuratome, les pools étrangers et le pool japonais sur l'éventualité d'une compensation que pourraient apporter les assureurs étrangers aux assureurs japonais. Pour Frédéric Chaplain, directeur du développement Incendie, Accidents, Risques Divers, Transport (IARDT) chez Siaci Saint Honoré, « compte tenu de l'origine du sinistre (catastrophe naturelle ayant entraîné un dommage nucléaire), les programmes d'assurance nucléaire seront certainement peu sollicités à l'échelle des dommages et c'est vraisemblablement l'État japonais qui devrait se retrouver en première ligne aux côtés de l'exploitant ». Un risque nucléaire peut en effet être directement pris en charge par la sphère publique. « La priorité est la gestion des conséquences sur les populations dans la durée, et l'entité la plus pérenne dans ce contexte spécifique, reste l'État », estime Frédéric Chaplain. Mathias Thépot
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