La baisse de l'euro est une solution, pas un problème

À l'occasion de la crise grecque, les commentaires alarmistes se sont multipliés sur la baisse de l'euro. Cela pose deux questions. Primo, la vitesse de l'évolution récente de l'euro est-elle alarmante?? Secundo, le niveau atteint est-il nocif pour l'économie européenne??Constatons d'abord que les fluctuations récentes de l'euro sont importantes, mais pas exceptionnelles. Depuis son introduction en 1999 sur le marché des changes, la devise européenne fluctue chaque jour en moyenne de 0,6 cent à la hausse ou à la baisse contre le dollar. Les variations quotidiennes de 1 à 2 cents de ces derniers jours restent inférieures aux décalages quotidiens (de 2 à 6 cents) observés en pleine crise financière à la fin 2008 et au début 2009. Si l'on regarde maintenant les fluctuations des moyennes mensuelles de l'euro, la baisse de 6 cents constaté en janvier est inférieure aux variations de 8 à 10 cents d'un mois sur l'autre, au plus fort de la crise.Prenons encore du recul?: depuis sa création, l'euro a connu des fluctuations considérables. Son écart type a été de 17 % autour de la moyenne de 1,18 dollar pour 1 euro. Il a été de seulement de 9 % pour le yen. L'euro n'a pas été le bouclier contre les fluctuations du taux de change qu'on nous avait promis. C'est un fait ancien. Nul n'est besoin de blâmer la Grèce. La différence avec la stabilité du yen s'explique par l'absence de politique de change dans la zone euro, qui a contrasté avec l'activisme du Japon. Pour conduire une politique de change, il faudrait que la BCE reçoive des instructions politiques d'achat ou de vente de devises, ou même qu'elle modifie sa politique de taux d'intérêt pour les besoins de la politique de change. Or, le traité de Maastricht a créé une difficulté institutionnelle?: la politique de change est du ressort des gouvernements mais son application concrète appartient à une BCE qui ne peut recevoir d'instructions?! Mais le refus de la BCE a été surtout inspiré du credo hérité de la Bundesbank?: plus le taux de change est élevé, mieux c'est. Si bien que les cris d'alarme pour dénoncer les fortes fluctuations de l'euro n'ont souvent été que le prétexte des idolâtres de l'euro fort pour déplorer sa baisse.Ce qui nous amène à notre seconde question?: l'euro est-il désormais trop bas ?? Une façon empirique de déterminer la surévaluation ou la sous-évaluation d'une devise est de comparer le prix des biens de grande consommation d'un pays à l'autre. Si le même sandwich vaut 1 dollar dans le pays A et 1,5 dollar dans le pays B, cela suggère que le taux de change est surévalué de 50 % dans le pays B. Une dévaluation de 50 % ramènerait les habitants du pays B à la parité de pouvoir d'achat (PPA) avec les habitants du pays A. Sur ce principe, le journal « The Economist » publie régulièrement son indice « Big Mac », dont la dernière mouture (mars 2010) indiquait une surévaluation de 25 % de l'euro contre le dollar. Pour revenir à la parité de pouvoir d'achat avec les Américains, il faudrait faire baisser l'euro jusqu'à environ 1 dollar. L'OCDE, Eurostat et le FMI calculent des parités de pouvoir d'achat plus complexes, basées non pas sur un seul bien, mais sur l'ensemble des biens et services. Ils aboutissent à une parité de pouvoir d'achat de l'ordre de 1,10 dollar pour 1 euro.Ce niveau est la parité de pouvoir d'achat avec les États-Unis, mais pas avec la zone dollar. Les États-Unis sont eux-mêmes surévalués par rapport à la plupart des autres pays de la zone dollar?: de 25 % contre le Mexique, de 50 % contre la Chine. Pour restaurer la compétitivité de la zone euro avec la zone dollar, il faudrait donc faire baisser l'euro en dessous de 1 dollar, situation nullement inimaginable, puisqu'elle a prévalu de 2000 à 2003, stimulant investissement et exportations et réduisant les importations. Une baisse de 10 % de l'euro accroît la croissance européenne de 1 % au bout de douze mois, au prix d'un peu plus d'inflation (0,5 % à 1 %), selon l'OCDE. Une dévaluation de 20 % ou 30 % contre le dollar, gérée sur les deux ans qui viennent, augmenterait le PIB nominal de 4 % à 6 %, et permettrait plus sûrement de faire baisser les ratios d'endettement que ne pourront le faire les politiques d'austérité appliquées à des économies malades. nPoint de vue Philippe Brossard Président de Macroram
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