Bons élèves du capitalisme, les pays d'Europe de l'Est affichent un bilan négatif

« Je crois que les États-Unis se sont engagés sur la voie de l'enfer », déclarait le 25 mars 2009, à Strasbourg, Mirek Topolanek, le Premier ministre tchèque, devant des eurodéputés médusés. Pour l'élite libérale de la République tchèque, pays qui exerçait à l'époque la présidence de l'Union européenne (UE), la déception envers le grand frère américain, qui injectait des milliards de dollars pour sauver ses banques et relancer son économie, était immense. « Cela révélait un mélange d'obstination idéologique, héritée de la période communiste, et de désenchantement vis-à-vis de l'Amérique », analyse Jacques Rupnik, directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (Ceri).La frustration était d'autant plus grande que les pays de l'est de l'Europe, élèves modèles de la nouvelle économie de marché à laquelle ils croyaient dur comme fer, ne s'en trouvaient pas moins pris au piège de la crise mondiale. À l'exception de la Pologne, seul pays européen en croissance (plus de 1 % en 2009, en raison de sa faible dépendance à la demande extérieure), leur bilan est en effet peu flatteur. Celui des pays Baltes est même désastreux : sur 2009, la contraction de l'activité économique aura été de 17 % pour la Lettonie, de 15 % pour la Lituanie et de 13 % pour l'Estonie. « Avant même la crise mondiale, il y avait des signes de surchauffe dans ces pays », rappelle l'économiste Jean-Pierre Pagé. Car ils avaient privilégié, souvent sur les conseils d'institutions comme le Fonds monétaire international (FMI), un modèle de développement largement fondé sur les exportations (et l'afflux de capitaux extérieurs). Et même, pour des nations comme la Slovaquie, sur une mono-industrie : l'automobile. Cela impliquait le maintien d'une forte compétitivité du coût de la main-d'oeuvre et de la fiscalité. Et pour la demande intérieure, c'est au crédit que les consommateurs faisaient appel. Les Baltes, en particulier, ne s'en sont pas privés. Pis, les crédits, notamment immobiliers, y ont été contractés jusqu'à 80 % en euros ou en d'autres devises assorties de taux d'intérêt plus faibles que ceux de la monnaie locale. L'effondrement de la demande extérieure a eu raison de ce schéma, plombé qui plus est par la dette privée. réveil douloureuxÀ divers degrés, les pays de l'Est ont vu leur production industrielle chuter, jusqu'à 18 % en Slovaquie en 2009, par exemple. Le PIB slovaque a reculé de 5 %. Un phénomène que l'on retrouve en République tchèque, où la contraction du PIB devrait être de 4 %, en Hongrie (? 6,5 %), en Slovénie (? 7,5 %), ou encore en Roumanie (? 8 %). Certains pays, comme la Lettonie, ont bien pensé à lâcher leur monnaie, afin d'engranger les bénéfices d'une dévaluation compétitive, puis y ont renoncé, face au danger représenté par les montants de dette privée en devises, sans oublier leur ambition d'intégrer, à terme, la zone euro. La Lettonie ainsi que la Hongrie et la Roumanie ont dû demander l'aide de l'Europe et du FMI. Avec à la clé une cure de désintoxication de l'économie, impliquant notamment une déflation salariale allant parfois jusqu'à 30 % et des coupes sombres dans les budgets sociaux. Autant dire que pour les citoyens d'Europe de l'Est, le réveil est douloureux. Mais c'est aussi l'occasion, pour les dirigeants, de repenser le modèle de croissance afin d'en adopter un plus durable. Lysiane J. Baudu
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