Adieu people

La nouvelle a eu l'effet d'une bombe à fragmentation dans l'univers de la mode. En plein démarrage des défilés new- yorkais, répondant à une interview au très puissant Style.com (la référence absolue), Marc Jacobs s'est emporté : « Je ne suis pas pour la présence de célébrités aux premiers rangs des défilés. » La raison de sa colère ? Le fait qu'on regarde plus les stars que les vêtements. Et les caprices de ses copines : Madonna en tête, qui a appelé quelques minutes avant le début de son show pour dire qu'elle arrivait et qu'il serait gentil de l'attendre. Lady Gaga qui, sous prétexte que le show a commencé sans elle, refuse de venir s'asseoir à la table du créateur après le concert privé qu'elle a donné à son invitation (contre monnaie trébuchante bien sûr...). Potins et rancoeurs, l'heure est grave. Le directeur de la communication de Michael Kors a fait de même ; il a fermé la porte au nez à trois people. Du jamais-vu !Jean-Jacques Picart, l'expert de la mode, l'avait prédit à l'automne dernier. (*) La peopolisation à tous crins, c'est fini. La crise est passée par là. La curée a commencé. Désormais, il est de bon ton pour les gens du luxe de renier la mode. Au premier jour de la Fashion Week new-yorkaise, Joan Juliet Buck, ex-rédactrice en chef de « Vogue France », aujourd'hui actrice, le dit haut et fort : « I'm not a fashion person ! » Les marques qui de leur côté ont refusé ces dernières années de payer pour voir les people poser aux premiers rangs de leurs shows sortent du bois. Et même le revendiquent. Ralph Lauren en tête. Pas question de débourser de l'ordre de 100.000 dollars pour que Rihanna paraisse quinze minutes montre en main à un show, 80.000 dollars pour Beyoncé, 30.000 pour Jennifer Lopez ou 15.000 pour Colin Firth (sa cote flirte avec les sommets depuis qu'il a reçu le lion d'interprétation masculine au dernier festival de Venise pour le film « A Single Man » de Tom Ford, voir page 38). De même, plus question non plus, à la veille des Césars et des Oscars, de laisser les stars se servir en magasin comme si les vêtements étaient un dû. Question d'éthique et d'économie. Le temps où le luxe dépensait sans compter (jusqu'à 80 % de la valeur du produit) pour son image (au détriment de la qualité) semble derrière nous. La présence de people aux défilés permettait aux marques de s'offrir des campagnes de promotion internationale à moindre coût, désormais, cela ne répond plus aux attentes des lecteurs, en tout cas ceux qui forment les acheteurs réels en Occident. Il faut observer le désarroi des managers et autres journalistes occidentaux de premier plan, les yeux éberlués, saluant une star chinoise, inconnue dans nos contrées, mais qui réalise des millions d'entrées dans son pays, pour mesurer à quel point le monde de la mode bascule vers l'Asie.C'est à la fin des années 1990, il y a quinze ans, avec les succès des rubriques du type « Elle Info Hebdo » en France, les lancements à l'échelle européenne des nouvelles formules de « Glamour » (2002 en Grande-Bretagne ; 2004 en France) suivi de « Grazia » à l'international (12 éditions depuis 2004), que la presse féminine s'est lancée à grande ampleur dans le « comment s'habiller en prenant modèle sur les people... » La cible d'alors ? Les 20-30 ans. Aujourd'hui, les lecteurs d'« Envy » (l'hebdo que le groupe Marie Claire a lancé le 11 février) sont plus jeunes, plus populaires. Pas des acheteurs à fort potentiel du luxe. Les marques se détournent. Leur vedette à présent, c'est le produit. Aux premiers rangs des défilés, les blogeurs de mode dissèquent les nouveautés, leur ton est libre, leur exigence pro, leur réactivité immédiate. Anonymes aux yeux du grand public, ils sont les nouveaux héros de la génération Y.(*) « Madame Figaro », 5 sept. 2009.
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