Transsibérien des écrivains Au fil de la Volga

À bord du Transsibérien Blaise Cendrars, le groupe adopte son rythme de croisière. Les écrivains cohabitent par deux dans les compartiments ; l'espace est restreint - moins de 5 m2, mais c'est énorme comparé aux deuxième et troisième classe. La décoration de fausses boiseries et miroirs cerclés de marbre est un peu kitsch mais chaleureuse. Au bout du couloir, la provodnitsa veille à ce que l'eau frémisse en permanence dans le samovar. Quatre heures après avoir quitté Moscou, le train fait escale à Nijni Novgorod dont la gare continue de s'appeler Gorki, un souvenir de l'ère soviétique. Au confluent de l'Oka et de la Volga, le plus long fleuve d'Europe (3.700 km), la cité offre mille occasions de flâner. Les maisons des anciens marchands, en bois sculpté, à deux étages, tantôt croulantes, gaillardes ou mangées par le lierre. Dans la rue principale, on goûte le kvass. Servie par une babouchka assise au cul d'une citerne à deux roues, cette boisson a un goût capiteux de pain fermenté. Considérée comme la troisième ville de Russie avec 1,3 million d'habitants, Nijni Novgorod était pendant la Seconde Guerre mondiale le plus grand centre de production d'armement. Sous les rayons du soleil, les coupoles d'or et les ornementations baroques de l'église de la Nativité sont pimpantes. Au pied de son kremlin (sa citadelle), les enfants rient et prennent d'assaut chars et avions dans ce qui ressemble à un parc d'attraction de la guerre patriotique. La Volga se déploie, irisée sous le soleil du printemps. La plaine s'étend à perte de vue. Légère brise. C'est ici à Nijni Novgorod que l'écrivain Maxime Gorki a grandi. Sa maison d'enfance était modeste, et tout y est demeuré en l'état. Toute en bois, basse de plafond ; le torchis blanc des murs met parfaitement en lumière costumes, broderies et photographies anciennes. À la tombée du jour, retour au train. Première nuit dans le Transsibérien, premières confidences, premières rasades de vodka.Au petit matin, dans la capitale du Tatarstan, direction le kremlin pour découvrir la tour Suyumbike, haute de 59 mètres ; elle porte le nom d'une princesse dont la légende veut qu'elle se jeta de son sommet pour éviter d'épouser Ivan le Terrible. Ici, les musulmans et les orthodoxes vivent en paix. La Confédération de Russie veille au grain. Pas de possibilité de débordement, façon tchétchène ou kirghize. La mosquée de Kul Sharif est la plus grande d'Europe : inaugurée en juin 2005, elle a été bâtie au-dessus de celle des anciens khans de Kazan. En échange de la restauration de la cathédrale de l'Annonciation. Vladimir Poutine, avait réussi, pour l'occasion, à obtenir de Jean-Paul II que le Vatican restitue au pays Tatar l'icône de Notre-Dame de Kazan, symbole cher à la Russie. Catherine Deneuve aurait versé une larme en la voyant, dixit le pope.Dans l'après-midi, à deux heures de bateau de Kazan, sur l'île de Sviyasjsk, là-même où les Russes s'étaient repliés sous le règne d'Ivan le Terrible, le temps ne semble pas avoir de prise. Pochoirs de chevaux et dames à ombrelles sur mur de brique, fresques mangées par l'humidité dans le monastère, les herbes hautes dansent sous le vent ; les cotons des peupliers virevoltent sous le soleil, c'est une pluie de douceur. État de grâce.
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