Mercredi 6 octobre. 15 h00. Assemblée nationale

Bernard Accoyer prit lentement sa place au perchoir. La séance des questions au gouvernement s'annonçait aussi pénible qu'avant la pause estivale. Un huissier remit au président de l'Assemblée nationale une enveloppe contenant un mot manuscrit : « On se voit juste après. C'est hyper- urgent. JFC. » Jean-François Copé, le patron des députés UMP. Bernard Accoyer leva les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il allait encore inventer pour se rendre intéressant celui-là ? Il le chercha des yeux dans l'hémicycle. Très entouré à son banc, le député-maire de Meaux parlait en agitant les bras. Déjà assis dans leurs travées, les députés de l'opposition observaient le manège. Puis le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, prit la parole pour interpeller sans passion le Premier ministre sur le climat politique « délétère ». Sitôt finie la séance, les députés s'égayèrent vers la salle des Quatre-Colonnes, où les journalistes campaient à l'affût de petites, ou même de grandes phrases. Bernard Accoyer s'isola avec Jean-François Copé dans la bibliothèque de l'Assemblée. « Que voulais-tu me dire de si important ? » Le président du groupe UMP lui saisit la manche : « C'est énorme. J'ai vu Sarko ce matin, il va démissionner... » La rumeur n'avait pas tardé à se répandre dans les couloirs du Palais-Bourbon. Mais aussi dans la presse. Les camionnettes des chaînes d'information continues et les voitures des radios encombraient les trottoirs du Quai d'Orsay. De l'autre côté de la Seine, rue du Faubourg-Saint-Honoré, des policiers débordés éloignaient les journalistes et les curieux massés devant le lourd portail de l'Élysée. La dépêche AFP tomba à 18 h 03 : « Le président de la République prononcera une allocution solennelle en direct à 20 heures, a annoncé le service de presse de l'Élysée. Des informations gouvernementales, non confirmées par l'entourage de Nicolas Sarkozy, font état d'une démission imminente du chef de l'État. » L'urgent était signé par Nadège Puljak, la correspondante de l'agence à l'Élysée. Ce qui donnait du poids à la nouvelle. Une heure et cinquante-sept minutes plus tard, le silence se fit dans les foyers français, mais aussi à l'Assemblée, au Sénat, à Matignon, dans les ministères, dans les salles de rédaction, où les téléviseurs avaient tous été allumés. L'image familière du palais de l'Élysée barré du drapeau tricolore apparut sur les écrans. Immédiatement suivie par celle de Nicolas Sarkozy, grave, costume sombre, cheveux de plus en plus grisonnants : « Mes chers compatriotes, en mai 2007, vous m'avez élu pour que j'assure la rupture avec les méthodes du passé, avec les comportements qui, si souvent, ont conduit la France dans l'abîme. Aujourd'hui, les forces de l'immobilisme et du conservatisme se liguent pour ruiner vos efforts, pour entraver la marche en avant de ce pays qui nous tient tant à coeur. J'ai fait le choix du courage et de la responsabilité. Je démissionne ce jour de mes fonctions de président de la République. Une élection présidentielle anticipée sera organisée dans les délais prévus par la Constitution. Il vous reviendra de dire si vous voulez que la France s'engage résolument dans la modernisation. J'aurais pu, comme le demandaient des esprits irresponsables dans l'opposition, vous interroger par référendum sur la réforme des retraites qu'Éric Woerth, tombé au champ d'honneur de la politique, avait lancée avec noblesse. Je préfère vous saisir de l'ensemble des questions qui se poseront dans les années qui viennent à ceux qui auront la charge de diriger la France. Parce que mon voeu le plus cher est de continuer de la servir. Pour garantir à chacun d'entre vous l'avenir auquel il a droit. Je vous remercie. Vive la République, vive la France... »
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