Un « Ruban blanc » parfaitement ficelé

cinéma À peine les lumières éteintes, on est envoûté par la splendeur des images en noir et blanc qui apparaissent à l'écran. Le ton est donné. « Le Ruban blanc » de Michael Haneke, palme d'or contestée du dernier Festival de Cannes, est un très beau film, long (2?h?25), lent, pesant et terriblement troublant.Nous sommes en 1913 dans un village de l'Allemagne du Nord protestante où toute l'organisation sociale est extrêmement codifiée. Où, en apparence, aucune déviance n'est possible. Or des événements étranges commencent à se produire au sein de cette petite communauté. Le médecin du village fait une chute de cheval provoquée par un fil invisible tendu sur son passage. Un enfant handicapé est séquestré et battu. Une paysanne est retrouvée morte? Que se passe-t-il ?violence sourdeQu'on se rassure, Haneke n'a pas décidé de jouer les Agatha Christie. Le réalisateur n'apporte d'ailleurs pas de vraies réponses aux énigmes posées, même s'il sème quelques indices. Son propos porte davantage sur l'organisation de cette microsociété que constitue le village qui, bien sûr, sert ici de métaphore à l'ensemble du pays. Car, derrière la façade composée d'une hiérarchie sociale bien établie, d'une éducation stricte, de pratiques religieuses respectées à la lettre, se cachent bien des turpitudes et une violence (notamment sexuelle) sourde. Une ambiance de crime et châtiment.C'est splendidement dépeint, remarquablement filmé dans un noir et blanc aux accents pictorialistes. Haneke n'a pas son pareil pour disséquer la personnalité de chacun des protagonistes qu'il s'agisse du révérend, du médecin ou du baron? Tous trois imposent des règles de vie strictes et une vision unique des choses à leurs familles et à leurs proches, alors qu'ils ont eux aussi leur part d'ombre. Et ce sont leurs enfants qui sont en première ligne pour se prendre en pleine figure leurs caprices et autres névroses.On est là au c?ur du sujet. Avec « le Ruban blanc », Haneke dénonce les dégâts engendrés par les sociétés répressives sur la jeunesse. On sent poindre les thèses du psychanalyste Bruno Bettelheim à propos de l'impact sur les enfants du comportement des parents. Il laisse entendre que c'est cet univers de violence, de jalousie, de haine rentrée qui génère l'autoritarisme, voire le fascisme.la fleur du malMais Haneke ne cherche pas à expliquer l'émergence du nazisme vingt ans plus tard par le seul fait que l'Allemagne était une société bloquée à la veille de la Première Guerre mondiale. Non, il sous-tend que le terreau était fertile et ce fait, additionné à d'autres événements historiques survenus plus tard, a fait surgir la fleur du mal. Un film, prégnant, implacable sur le fond et, grâce à une extraordinaire qualité d'image, d'une beauté démoniaque sur la forme.
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