« Je me sens davantage chef d'entreprise qu'homme

Jean Ancely : Vous êtes président de la région depuis 1998 et vous sollicitez un nouveau mandat pour quatre ans. À une époque où on a tendance à raccourcir les mandats, à exiger le non-cumul - y compris dans les entreprises -, c'est un peu à contre-courant. Qu'est-ce qui vous motive ?Jean-Paul Huchon : Lors de mon premier mandat, je n'avais pas de majorité ; il y avait 85 élus de gauche, 85 élus de droite, 36 élus du Front national. J'ai dû composer, négocier. Nous n'avons pas avancé autant que je l'aurais voulu. Depuis 2004, je dispose d'une vraie majorité ; donc nous avançons à pas rapides, mais on sait que la création d'une ligne de transports collectifs, la construction d'un lycée ou d'un grand équipement, une base de loisirs, un équipement olympique, etc., cela prend huit à dix ans. Disposer d'une certaine continuité me semble donc un avantage. Je me sens davantage chef d'entreprise que politicien. Ce qui m'a déterminé, c'est l'amour que j'ai pour cette région - j'y suis né et je l'ai vraiment sillonnée dans tous les coins - et la nécessité de résister à certains projets catastrophiques pour la région.Valéry Brancaleoni : Sur les transports, la région est découpée en six zones, avec des abonnements mensuels dont le prix varie de 60 euros à 120 euros. Pourquoi ne pas passer à un tarif unique ou se limiter à deux zones pour ne plus pénaliser financièrement les Franciliens habitant loin ?Dans la décennie qui vient, je vais disposer de 18 milliards d'euros, soit 1,8 milliard par an, pour construire les lignes, rénover le matériel, faire le tramway et réaliser Arc Express, qui est la rocade des rocades - le véritable périphérique ferroviaire autour de Paris. Monsieur Yves Jégo, tête de liste en Seine-et-Marne, a proposé un tarif unique à 30 euros. Cela coûterait 1,5 milliard d'euros par an. Qui va payer les projets de modernisation ? Les entreprises ? Soyons sérieux. On peut étendre la tarification sociale : les jeunes « en insertion », ceux qui recherchent un emploi, auront également droit à la gratuité à partir de l'année prochaine. Cela va nous coûter au minimum de 20 à 30 millions d'euros supplémentaires.Nicolas Maubert : J'habite depuis trois ans dans un petit village à côté de Versailles. Chaque année, en partant à la même heure en voiture, je mets un quart d'heure ou vingt minutes de plus, parce que le trafic se densifie... Que comptez-vous faire pour les automobilistes ?70 % des Franciliens circulent en voiture. La plupart d'entre eux n'ont pas le choix : il y a très peu de lignes de transports collectifs pour aller d'une banlieue à l'autre sans passer par Paris. Les routes relèvent de la compétence des départements. Mais une partie des problèmes de circulation seront réglés par l'amélioration des transports collectifs. Quatre « tangentielles » sont en construction. Et le métro automatique Arc Express reliera vers 2020 Saint-Denis au nord à Bagneux au sud. Je vais aussi changer tout le matériel. En 2015, il n'y aura plus un seul train qui aura plus de 10 ans. Quand je suis arrivé, c'était 45 ans...Valéry Brancaleoni : Vous êtes contre le projet de Grand Paris présenté par Christian Blanc. En cas de réélection, quelle sera votre position ? Comment comptez-vous vous y opposer ?Le Grand Paris, c'est un projet de métro qui passe dans des zones non urbanisées, qui est entièrement souterrain, et qui ne desservira que les trajets travail-travail et non domicile-travail. 35 milliards d'euros vont être utilisés sur un moyen de transport qui n'a pas d'intérêt pour les Franciliens. Par ailleurs, c'est autoritaire. On crée une nouvelle administration, celle du Grand Paris, alors que le Stif existe déjà. Nous allons donc nous battre. J'attends le vote au Sénat, le 7 mai. Avant ce jour, il y a le 21 mars, jour des résultats des élections régionales. Croyez-vous vraiment que, par rapport au refus manifesté par la région, si jamais je suis confirmé avec une majorité plus forte, on va pouvoir nous traiter comme si nous n'existions pas ? Je ne le pense pas.Nicolas Frangoulis : L'Île-de-France a un gisement très important d'emplois, mais le chômage y est élevé et nous, les chefs d'entreprise, avons du mal à trouver des gens qualifiés. Que comptez-vous faire pour rapprocher offre et demande ?À la région, nous avons créé en mai 2009 une bourse en ligne qui permet à tous les jeunes, apprentis et travailleurs, de trouver un stage, un centre de formation ou un employeur. Ce site n'est pas encore assez connu. Nous souhaitons désormais créer un service régional de l'orientation et de la formation. En sillonnant l'Île-de-France, je me suis aperçu que bon nombre de jeunes sont complètement perdus devant l'offre absolument pléthorique des centres de formation. Il faut les encadrer.Jean Ancely : Quelle est votre position sur la réforme territoriale ?Moi, je suis régionaliste et j'estime qu'on doit étendre les compétences des régions. Quant à toutes ces histoires sur le « mille-feuille », l'excès de structures, c'est trop simpliste. Je suis pour la logique contractuelle de manière générale et cela fonctionne très bien. Voyez le T2, qui passe en bas de la rédaction de « La Tribune » : il a été financé par la région à 60 % et par l'État à 0 %. Qui est efficace aujourd'hui ? Pendant ce temps-là, le gouvernement, lui, entasse des milliards de dette et des milliards de déficit...Jean Ancely : Comment allez-vous financer votre programme après la réforme de la taxe professionnelle ? Vous ne pouvez plus guère augmenter les impôts, si j'ai bien compris...Nous allons être plus sélectifs sur les critères d'attribution des aides, en privilégiant tout ce qui est en faveur du développement durable et tout ce qui est de caractère social. Cela signifie que nous subventionnerons un peu moins d'autres secteurs. Bon an mal an, avec un budget de 5 milliards d'euros, nous avons les moyens de notre politique et nous commençons franchement à en avoir ras le bol que des gens nous donnent des leçons, alors que, tous les jours, eux, inventent des dépenses supplémentaires ou des impôts supplémentaires sans en référer à qui que ce soit et avec une inefficacité économique avérée aujourd'hui. n La semaine prochaine, Valérie Pécresse, tête de liste UMP, répondra à son tour aux questions de nos lecteurs.
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