« Waste Land », quand l'art naît des ordures

Le film documentaire « Waste Land » est le fruit de la collaboration entre la cinéaste Lucy Walker et l'artiste brésilien Vik Muniz, connu pour ses réutilisations de matériaux incongrus (chocolat, fil à coudre, farine...). Leur démarche semble un peu folle : un projet de trois ans qui nous emmène au Brésil, à la décharge de Jardim Gramacho dans la banlieue de Rio de Janeiro, où ils vont côtoyer pendant de long mois les « catadores », ces ramasseurs et trieurs d'ordures qui oeuvrent jour et nuit sur cette gigantesque colline de déchets.Au début, à voir Muniz assis dans son confortable salon de Brooklyn, montrant à sa compagne des vues aériennes de Jardim Gramacho, on pressent que le choc des cultures va être violent. Il s'envole ensuite pour Rio avec une énergie presque enfantine, sans avoir de projet vraiment bien défini en tête. Les premiers échanges sont timides, les catadores méfiants.Mais qui sont donc ces gens qui travaillent pour 20 dollars par jour dans les ordures de la mégalopole de Rio ? Pour les femmes, c'est un moyen d'échapper à la prostitution de la plage de Copacabana. Pour les hommes, c'est souvent une vie qu'ils connaissent depuis toujours. Réunis au sein d'une Association des ramasseurs de déchets recyclables de Jardim Gramacho (ACAMJG), ils luttent pour faire reconnaître leurs droits. Vik Muniz propose à certains de participer à son projet, qui se précise tout au long de ses entretiens. Il choisit des personnalités fortes, à l'image de Tiao, le jeune et charismatique président de l'ACAMJG. Ou encore Magna, que le chômage de son mari a conduit à travailler à la décharge. Tous ont en commun une dignité et un courage qui forcent le respect. Les catadores dont l'artiste a tiré le portrait sont ensuite invités à élaborer avec lui les oeuvres à proprement parler. Des collages immenses de matériaux recyclables issus de la décharge, photographiés ensuite par l'artiste et tirés en grand format. Ces clichés seront vendus en salle des ventes à Londres. La force du film réside essentiellement dans le choix fait par Vik Muniz et son équipe des catadores photographiés. Ils ont des revendications à faire entendre. Et ce qui devait être au départ un film sur un projet artistique devient un film politique : société de consommation, valeur marchande et valeur humaine, vie associative et syndicats. Finalement, l'art apporte la reconnaissance d'un travail dur mais honnête. Mais étrangement, on a du mal à croire au happy end du documentaire : la décharge fermera en 2012. D'ici là, qu'adviendra-t-il de ces milliers de travailleurs ? Francine Guillou
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