exposition

À quoi peut bien servir le design ? À poser dans son salon une jolie lampe ou un beau canapé ? Ouverte fin 2009 sur le site de l'ancienne manufacture d'armes, la Cité du design de Saint-Étienne ne pouvait passer à côté de l'occasion de nous offrir une explication de texte... ou plutôt de forme. Et de dévoiler l'envers du décor. Inaugurant La Platine, un bâtiment innovant et modulable, elle a confié à un duo de designers éclairés les Sismo, Antoine Fenoglio et Frédéric Lecourt, le commissariat de l'exposition « L'Objet du design ». En guise de grille de lecture, ceux-ci sont partis du sésame qu'ils ont mis au point dans leur métier : le carré magique, inspiré du carré sémiotique de Greimas et Rastier. Sortant du seul rapport projet/forme, leur carré donne à voir comment est abordée la création d'objet selon quatre grands critères ou entrées (les quatre angles du carré) : la forme, les techniques, les usages et les évolutions sociales. « En France, la création est entourée de romantisme. On pense qu'elle naît de l'inspiration d'une balade autour d'un lac. Or c'est plus un outil de discussion et de réflexion que de création pure », argumente les deux designers. Sur 1.200 m2, ils présentent 250 objets qu'ils ont répartis dans l'axe de leur fameux carré.Au centre, ils ont installé quatre vélos (en hommage à Saint-Étienne !), quatre radiateurs et quatre bancs. Chacun exprime une des quatre démarches à l'origine du design. La première ? Celle qui donne corps aux usages. Ainsi, du vélo poussette hollandais (Taga) dont le véhicule peut se plier pour ne devenir plus qu'une simple poussette. La deuxième option : formaliser l'intention. Quand le designer traduit, via l'esthétique de l'objet, une intention particulière. C'est beau mais pas forcément pratique. Le radiateur mural Heat Wave de Joris Laarman pour Droog Design, tout en volute de fonte, est plus décoratif que fonctionnel. La troisième voie : le design qui contribue à faire évoluer notre attitude ou nos comportements. Il peut proposer des évolutions inédites ou extrapoler des usages futurs sous forme de prototypes. Là, le vélo en libre-service Bixi de Michel Dallaire est écoconçu. Quant aux « bornes urbaines tempo » de François Bauchet, elles figurent, tels des tabourets, notre besoin de pause rapide en ville. La quatrième stratégie possible : quand le design s'empare des techniques, explore des nouveaux matériaux, invente des modes de production, traduit en propositions concrètes une technologie naissante. Le radiateur Thermovit Élégance de Saint-Gobain est au premier abord une grande baie vitrée dont la particularité est d'être chauffante.Résultat : à l'origine d'une démarche de design, il n'y a qu'une question : que cherche-t-on à dire ? Une fois l'une de ces quatre options choisies dans ce carré magique, reste à poursuivre l'investigation au gré de l'exposition qui va décliner par les objets présentés chacun de ces axes. Prenons celui des usages : s'agit-il de résoudre un problème ? Comme la tartine éternellement coincée dans le grille-pain pour laquelle Tefal a imaginé une astucieuse pince habilement rangée dans l'appareil (gamme Simply Invents de Delo Lindo). Ou plutôt d'apporter une nouvelle fonction ? Comme cette gomme japonaise à plusieurs angles. Ou enfin de répondre au besoin d'une catégorie de la population ? Tels les Stabilo Move Esay aidant les enfants dans l'apprentissage de l'écriture, ou ces téléphones Doro à grosses touches conçus pour les seniors. Et si l'objectif du design était de repenser un produit en bout de course ? Cela donne la tente Décathlon Clic-Clac qui a fait repartir la vogue du camping et développer un usage inédit de la tente, la rendant sédentaire en lit d'été dans les jardins de maison de vacances. Le marché de la tente a doublé depuis cette innovation passant de 1 à 2 millions ! Dans ce cas, c'est donc un nouvel usage standard qui se trouve inventé grâce au design. La recherche parmi les trois autres parties du carré se poursuit, telle un jeu de poupées russes, de l'esthétisme au social jusqu'à la technique. On s'émerveille, on s'amuse, on s'étonne. Le parcours est à mi-chemin entre sciences et techniques, art et décoration. Une visite à Saint-Étienne s'impose. Avant le 22 août prochain. Sophie Péters
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