C'est à Vimoutiers, près de Camembert, aux confins de l'Orne et du Calvados, que s'est écrite en 1791 la première page de l'histoire du camembert. Une fermière, Marie Harel, accepta de cacher un prêtre réfractaire originaire de la Brie ; pour la remercier, ce dernier lui livra le secret de la croûte qu'il connaissait pour avoir vu fabriquer le brie. C'est cette innovation qui propulsera le camembert, la croûte favorisant sa conservation et donc sa commercialisation. Pourtant, il restait un produit de luxe, comme l'atteste une gravure montrant un descendant de Marie Harel offrant religieusement un camembert à Napoléon III, lors de l'inauguration de la ligne de chemin de fer de Paris-Granville en 1863. Deux inventions vont permettre au camembert de quitter son lit de paille et de voyager : la boîte ronde en bois inventée en 1890 par l'ingénieur Ridel et la pasteurisation (chauffage du lait à 72 degrés) ; mais ce qui rendra le camembert vraiment populaire, c'est sa consommation par les poilus de 14-18 qui avaient du camembert dans leur ration. Emblème national au même titre que la baguette de pain et les Champs-Élysées, notre camembert est cependant en perte de vitesse en volume comme en part de marché : 8 % des volumes de fromages achetés par les ménages contre 16 % en 1995. Pourtant, en Normandie où le lait des vaches se prête à la fabrication de pâtes molles à croûte fleurie, on ne termine jamais un repas sans camembert. Sur les 111.000 tonnes produites en France chaque année, 93.600 tonnes sont fabriquées en Normandie, dont 4.500 tonnes de camembert « Appellation d'origine protégée (AOP) camembert de Normandie » (ex-AOC). En 2007, la « guerre du camembert d'appellation » a opposé les tenants du lait cru et défenseurs du goût, à des producteurs échaudés par les alertes sanitaires (listéria, salmonelle, etc.) et traumatisés par l'affaire Lepetit de 1999. Le décret du 18 septembre 2008 maintient le lait cru dans la fabrication du camembert AOP, stipule qu'il ne peut pas être chauffé au-delà de 40 degrés et que les procédés d'assainissement du lait sont interdits. L'essentiel du camembert est aujourd'hui entre les mains des industriels de l'agroalimentaire (Lactalis, Compagnie des Fromages & RichesMonts, etc.) qui produisent plus de 90 % des camemberts fabriqués en Normandie. Une seule ferme, la fromagerie Durand à Camembert, produit encore du camembert avec le lait - cru - de ses propres vaches. Ici, on défend un camembert « bien affiné au bon goût de lait, d'étable, de nature, de fleur et... de pomme », et on l'accompagne, « exclusivement, avec un bon cidre demi-sec du pays d'Auge ».

latribune.fr

22 Juill 2010, 23:25

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