Après les « Béatitudes » bibliques tirées du serment sur la montagne de Jésus, « Heureux les pauvres de coeur, le Royaume des cieux leur appartient... », voici la version de l'Évangile européen : « Heureux les tricheurs, heureux les passagers clandestins, ils seront sauvés au nom de la solidarité de l'Union et de la défense de l'euro. Ceux qui ont menti sur leurs déficits comme les Grecs, ceux qui ont fait du dumping fiscal avec un taux d'impôt sur les sociétés agressivement bas comme les Irlandais recevront chacun leur centaine de milliards d'euros pour éviter la faillite et le non-remboursement de leurs dettes ou de celles de leurs banques. » On connaissait l'aléa moral qui doit laisser perdurer l'incertitude sur un éventuel soutien collectif pour éviter une prise de risque exagérée. L'Europe invente maintenant l'aléa immoral : quoi que vous fassiez, vous serez secouru. Au « too big to fail » (trop gros pour tomber en faillite) déjà condamnable, les Européens substituent le « too bad to fail » qui bénit les mauvaises pratiques. Jusqu'où ? Après la Grèce et l'Irlande, c'est le sauvetage du Portugal qui pointe aujourd'hui, avant celui de l'Espagne et de son économie malade de la bulle immobilière, qui serait le plus coûteux, compte tenu de la taille du pays, et pourrait entraîner la zone euro à la ruine. Avec cette nouvelle crise, le Vieux Continent se trouve encore une fois plongé dans sa controverse théologique préférée. Il va devoir choisir entre l'Europe des nations, qui respecte la souveraineté des pays mais alimente les égoïsmes anticommunautaires, et l'Europe fédérale, pourquoi pas dotée d'une structure de contrôle des budgets comme le souhaite Dominique Strauss-Kahn. À ne pas trancher ce dilemme, l'Europe finirait par faire vaciller la foi communautaire des citoyens les mieux disposés à son endroit. [email protected] Olivier ProvostDirecteur adjoint de la rédaction

latribune.fr

23 Nov 2010, 16:38

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