Le casse-tête politique des conflits d'intérêts

Faut-il aller jusqu'à légiférer sur les conflits d'intérêts ? Avec l'affaire Woerth-Bettencourt, le déficit d'image des élus politiques s'est creusé dans l'opinion. Dans la plupart des sondages, la majorité des personnes interrogées les pense « exposés à la corruption », voire corrompus. Pour redorer leur blason, Nicolas Sarkozy a créé en septembre 2010 une mission, présidée par le vice-président du Conseil d'État Jean-Marc Sauvé, chargée de formuler des propositions pour prévenir ou régler des situations de conflits d'intérêts dans lesquelles se trouveraient des membres de gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques et les agents publics décisionnaires. De leur côté, l'Assemblée nationale et le Sénat se penchent sur la question pour leurs parlementaires.La tâche est loin d'être mince. Il n'existe pas de définition légale du conflit d'intérêts en droit français. Même si des dispositions législatives notamment dans le Code monétaire et financier évoquent cette notion. Les avis sont partagés. Pour certains experts, il est absolument nécessaire de légiférer. Chef de file de cette ligne dure, l'organisation Transparency International France recommande de retenir, dans un texte législatif, la définition du Conseil de l'Europe sur les conflits d'intérêts. Pour être dissuasive, cette nouvelle infraction doit être forcément accompagnée d'une sanction pénale. Laquelle ? Devant le groupe de travail de l'Assemblée nationale, le président de Transparency International France, Daniel Lebègue, n'a pas hésité à se référer à la sanction prévue en cas de prise illégale d'intérêts. Le couperet peut aller jusqu'à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. S'agit-il de prémices ? L'Assemblée nationale vient de voter une amende de 30.000 euros pour les députés qui mentent sur leur patrimoine.À l'inverse, d'autres experts sont partisans d'une solution soft. « Dans l'essentiel des situations de conflits d'intérêts, un peu d'éthique et de bon sens suffisent », a déclaré le constitutionnaliste Guy Carcassonne devant le groupe de travail de l'Assemblée nationale. Attention surtout à la tentation de légiférer pour faire plaisir à l'opinion. Le constitutionnaliste a clairement mis en garde les députés du groupe de travail sur l'adoption d'une « loi communicative », uniquement destinée à satisfaire l'opinion. D'autant qu'une nouvelle situation de conflits d'intérêts, non prévue dans la loi tout juste adoptée, peut surgir à tout moment. Un exemple ? La loi canadienne du 29 avril 2004 a été révisée à trois reprises.Que faire alors sans légiférer ? Un véritable Code de déontologie pour les parlementaires pourrait être mis en place. « Je suis favorable à une transparence raisonnable. Un Code de déontologie a la vertu d'être incitatif », a estimé Anne Levade, professeur de droit public à l'université Paris Est-Créteil Val de Marne. Un déontologue indépendant serait installé au sein de chaque Assemblée, comme il en existe dans les banques. Tout parlementaire pourrait lui demander conseil et adresserait chaque année une déclaration d'intérêts actualisée à une structure interne au Parlement voire à la Commission pour la transparence financière de la vie politique qui reçoit déjà les déclarations de patrimoine des ministres et des parlementaires. Il paraît alors indispensable que cette commission ait à l'avenir accès aux déclarations fiscales des déclarants. Est-il préférable ou non que la déclaration d'intérêts soit rendue publique ou confidentielle ? Faut-il y évoquer la situation de ses proches et de ses amis ? Les avis sont partagés. Certains sont en faveur d'une totale transparence. Alors que les partisans de la confidentialité mettent en exergue le respect de la vie privée et du secret professionnel.Mais la future réforme ne pourra pas éviter une réflexion sur le risque du mélange des genres entre un mandat d'élu et une activité professionnelle. Faudra-t-il élargir la liste des incompatibilités ? Certaines personnalités politiques ont pointé du doigt le cumul avocat d'affaires et parlementaire. À la prise de ses fonctions de secrétaire général de l'UMP, le député Jean-François Copé a indiqué quitter le cabinet d'avocats dans lequel il travaillait. Pour le constitutionnaliste Guy Carcassonne, « il est parfaitement anormal » qu'un député devienne avocat alors qu'il ne l'était pas auparavant. Mais où faut-il placer le curseur de la liste des incompatibilités pour ne pas décourager les personnes ayant une activité professionnelle privée à se présenter à un mandat parlementaire ? Des réponses politiques sont attendues par l'opinion dans la perspective de l'élections présidentielle de 2012. D'autant que l'affaire Bettencourt, devenue Woerth, désormais déplacée à Bordeaux, restera dans les esprits cette année.parFrédéric Hastings journaliste à « La Tribune »
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