Industriels et distributeurs ne veulent pas d'un retour à des prix « administrés »

Un « indice matière première » obligerait les enseignes à dévoiler leurs prix d'achat.L'idée du président de la FNSEA, Xavier Beulin, fait vite son chemin. Le ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire y a vu une piste à creuser. Mais fabricants et distributeurs n'en veulent pas. « C'est une idée baroque », juge un lobbyiste. Lundi, lors d'un débat organisé par le Syrpa, en marge du Salon international de l'Agriculture, Xavier Beulin a plaidé pour une indexation des produits alimentaires sur le cours des matières premières agricoles. « À la manière de la taxe kérozène payée sur les billets d'avion », a-t-il schématisé. « Il est extrêmement intéressant de travailler sur la proposition de la FNSEA », a immédiatement réagi mardi Bruno Le Maire.Interrogé par « La Tribune », Xavier Beulin détaille sa méthode. « Pour chaque famille de produits alimentaires (lait UHT, desserts lactés, etc.) serait établie la proportion de la matière première dans le prix du produit fini. L'Observatoire des prix et des marges définira alors un indice à porter en pied de facture », explique-t-il. Le patron de la FNSEA espère ainsi répercuter l'évolution des cours des matières premières dans toute la chaîne de fabrication et de distribution d'un produit agro-alimentaire. « Il faut tester ce système dans les filières animales, d'abord pour les viandes de porc et de boeuf. Le plus vite possible », avance-t-il. Sa proposition doit répondre au désarroi des éleveurs français. Ils sont pris en étau. Le prix des céréales, dont ils nourrissent leurs bêtes, flambe. Mais il n'est pas répercuté dans leur prix à la vente. « C'est une question de justice, une question d'équité et une question d'efficacité économique que d'avoir une répercussion immédiate », juge Bruno Le Maire.Refus de transparenceQu'en pensent les enseignes d'hypermarchés ? « Ce serait le retour à des prix administrés », avance le délégué général de la Fédération des entreprises de commerce et de distribution (FCD), Jacques Creyssel. En fait, voilà bel et bien les distributeurs dans une posture très inconfortable. Jusque là, ils plaidaient pour n'avoir à accepter de leurs fournisseurs que les « hausses de tarifs justifiées » par celles des matières premières. Or, cet indice apporterait précisément la preuve du caractère justifié ou non de l'évolution d'un prix. Michel-Édouard Leclerc se dit « ouvert » à une discussion notamment sur les produits agricoles bruts (la viande, par exemple). Mais, pour les produits agroalimentaires, les enseignes se montrent réticentes. Car l'établissement d'un « indice matière première » à répercuter les obligerait, in fine, à dévoiler leur prix d'achat et à avouer leur capacité à faire pression sur leurs fournisseurs pour en gommer l'effet inflationniste. Elles y perdraient aussi la liberté de négociation des tarifs qu'elles ont obtenue dans la loi de modernisation de l'économie adoptée en 2008.Les gros industriels ne sont pas prêts non plus à travailler à livre ouvert. « Ce n'est pas le cours des matières premières qui déterminent la politique de prix d'un fabricant mais les prix pratiqués par ses concurrents », explique un membre de l'Ilec, lobby des Bonduelle, Bongrain et autres Danone. Signe que distribution et industriels ne sont pas prêts à la transparence.
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