Le retour des gentlemen

L'ombre de Savile Row a plané sur les défilés automne-hiver 2010 de la mode masculine à Paris. À l'heure où les bénéficiaires de bonus adoptent des attitudes plus humbles et moins « m'as-tu-vu », les créateurs de mode, en toute logique, s'adaptent aux besoins de leur clientèle. Et pour répondre à leur demande, le style des aristocrates anglais s'impose comme une évidence. L'élégance du parfait gentleman, née dans les années 1850, prône un formalisme, un mélange de rigueur et de simplicité, mais aussi de confort qui permet d'avoir de la tenue en toutes circonstances. La première vertu vestimentaire étant la discrétion et la simplicité absolue chère à Baudelaire.Chez Dunhill, Kim Jones s'est employé à débrider le style aristocratique anglais ? véritable signature de la marque. Les pièces les plus traditionnelles sont travaillées dans des tissus plus légers. Clin d'oeil à l'ADN de la maison, le styliste clippe sur ses ceintures porte-plumes, flasques et étuis à cigares ; en crocodile ou galuchat.Chez Dior Homme, Kris Van Assche, réconforté après avoir vu son contrat renouvelé pour trois ans, pousse l'art de la discrétion aux sommets. Le créateur se libère des costumes slims de la maison pour mieux sculpter avec générosité les matières nobles (abondance de cachemires, cotons et de draps de laine). La silhouette est ample, le style souple et sobre. C'est remarquable.Chez Arnys, la maison historique de la rue de Sèvres qui porte pour devise « la première élégance, c'est d'être bien dans son vêtement », les vestes, au tombé parfait, forment une seconde peau, sans pading superflu ni doublure envahissante. La souplesse naturelle des silhouettes ferait presque oublier la qualité exceptionnelle des tweeds de cachemire, cuir, peau, velours et soie.Amoureux de la campagne, Dries Van Noten fait pour sa part souffler un vent de fraîcheur et poésie sur l'attirail d'un parfait chasseur dans les couloirs du Palais Brongniart. Entre tubes hip-hop et succès cultes des années 1980, le romantisme des tweeds et autres matières confort opèrent leur charme.Louis Vuitton alterne les tenues sportswear et les silhouettes plus sophistiquées, entre tonalités chocolat, camel ; éclairées de reflets d'or. Ici, un seul impératif : la noblesse des matières. Tweed, jersey ? pour le côté sport ?, agneau ; tout est sublime.Savant mariageVéronique Nichanian livre pour Hermès, une nouvelle fois, une collection truffée de pièces hautement désirables, entre blousons de biker (à col castor), parkas à capuche, chemises à col contrasté et fameux carré frangé en cachemire. Sa grande réussite ? Le savant mariage des imprimés prince-de-galles, les fines rayures et les motifs « Chasse en Inde » des foulards.Galliano, même anobli par la reine, n'a rien perdu de sa folie andalouse. Fidèle à ses excentricités, il s'est attaqué au personnage de Sherlock Holmes, réinterprétant tweed, manteau trois-quarts, casquettes et pipes assortis. Autre trait d'humour, chez Givenchy, Ricardo Tisci s'amuse à imprimer « Jesus is Lord » sur un tee-shirt. Un peu « too much » pour un homme d'affaires avisé ? Très certainement.Pour les adeptes du « chic with a twist », Paul Smith s'inscrit en maître. À la fin des défilés parisiens, le créateur, qui ne voyage pas en jet pour rester au plus près de sa clientèle, a présenté une collection de vêtements justes mais pas faciles. Enfant du « swinging London », il appose toujours ce qu'il faut de touche rock à ses costumes pour les sortir de la répétition de l'ennui. Ses vestes sont étroites mais n'entravent en rien le confort. Sa mode paraît simple mais ses matières sont nobles. Résultat, en boutiques, son style fait un carton. Et au final du show, l'esprit est joyeux, les mannequins balancent chapeaux melon et bottes de cuir à pas légers. n
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