« Les réalisateurs italiens font de la résistance »

La plupart de vos films sont tournés vers un passé récent. Est-ce un hasard ?C'est vrai que je suis intéressé par les années 1960 et 1970. Et j'aime les personnages un peu compliqués, soumis à des interrogations existentielles mais qui, dans le même temps, ont une réflexion sociale. Ce qui colle bien avec ces années-là. Par ailleurs, il y a certainement une dimension due au hasard : plusieurs réalisateurs m'ont successivement proposé ce type de rôle. Depuis quelque temps, le cinéma italien semble se pencher sur les « années de plomb », quand la péninsule était en proie au terrorisme. Pourquoi ?Les années 1960 et 1970, c'était le temps des intellectuels qui prônaient parfois à l'excès la lutte contre le capitalisme. D'où certaines dérives. Avec l'arrivée de Berlusconi au pouvoir, l'Italie a sombré dans la vulgarité. Le populisme a gagné, c'est la célébration permanente de ce que j'appellerai la normalité. Aussi, je crois qu'à travers leurs films, les réalisateurs italiens organisent une sorte de résistance à cette normalisation. Mais je crains que ça ne dure pas, faute de financement, tant les budgets dédiés à la culture sont revus à la baisse. À cet égard, n'y a-t-il pas trop de romantisme dans « La Prima Linea », de Renato de Maria où vous jouez Sergio Segio, un membre repenti de ce groupe terroriste ?Il est exact que j'ai poussé l'aspect romantique. L'amour fou de Sergio pour Susanna Ronconi [une militante de Prima Linea emprisonnée, interprétée par Giovanna Mezzogiorno] est très important pour comprendre l'homme. À mes yeux, « La Prima Linea » n'est pas qu'un film politique mais aussi une oeuvre sur les interrogations et le cheminement d'un homme. Avez-vous rencontré Sergio Segio ?Oui, je voulais le comprendre. Il travaille maintenant dans une association humanitaire, après avoir passé plus de vingt ans en prison. C'est un homme d'une grande culture, il regrette d'avoir tué. Il apparaît assez détruit par ça. Il m'a trouvé bien dans le rôle mais n'a pas aimé le film car le réalisateur s'attache davantage aux dernières années de Prima Linea plutôt qu'à sa genèse. Et c'est vrai que dans l'oeuvre de Renato de Maria, on ne sait pas pourquoi Sergio devient terroriste. C'est un choix de réalisation. Sinon, il fallait faire un film de quatre heures.Propos recueillis par Jean-Christophe Chanut
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