Valérie Zenatti, « Je dois la vie à l'exil »

Elle écrit pour les enfants, le cinéma, les autres (on lui doit la traduction des livres d'Aharon Appelfeld). Et pour nous aussi. Dans « les Âmes Soeurs », Valérie Zenatti raconte l'histoire d'une jeune femme qui s'offre une journée pour lire le récit d'une photographe. De ce roman dans le roman, l'auteur tire un ouvrage d'une rare justesse sur le couple, sur l'identité et sur la lecture aussi. Comment est née l'idée de ce livre ?J'ai d'abord eu envie de saisir l'état dans lequel la lecture nous plonge. Cet espace très mystérieux délimité par le temps. Mais comme je me méfie des concepts, j'ai laissé tomber. Puis j'ai eu envie d'incarner une photographe. Au fil de l'écriture, une autre voix de femme m'a obsédée. J'ai laissé courir ma plume et j'ai compris qu'elle était la lectrice du roman de la précédente.Que représente la lecture à vos yeux ?La lecture et l'écriture représentent pour moi une profonde quête de liberté, d'altérité. J'aime passionnément le dédoublement qu'elles provoquent. Cette impression d'exister à l'intérieur et hors de soi-même.L'une de vos héroïnes est photographe, pourquoi ce choix ?La photo comme la littérature est capable de saisir l'actualité et l'intemporel. Le cadre est une prise de position en soi. C'est également une attention au détail. Ce désir de saisir la nano-seconde du présent me bouleverse. Quand on a un rapport à la vie qui passe par l'art ou par l'amour d'ailleurs, on réfléchit à la question du temps.« En retard pour la guerre » comme « les Âmes Soeurs » tournent autour de la guerre...Parce qu'elle me constitue, la guerre est probablement l'une des raisons pour lesquelles j'écris. J'ai compris à l'âge de 8 ans, avec la série « Holocauste », que l'on pouvait être condamné à mort du fait de ses origines. La guerre d'Algérie est plus enfouie. Mes parents sont nés là-bas avant de s'exiler en France, où ils se sont connus. Je dois donc la vie à cet exil. J'ai également résidé en Israël de 13 à 21 ans. Mais je ne pouvais envisager de vivre si proche de gens que je ne connaissais pas. Et j'ai été journaliste, ce qui m'a conduite à Sarajevo. Pour moi, la défaite de l'Europe s'est jouée là. Srebrenica, c'est l'envers de l'humanisme qui est ma religion.Vous traduisez les romans d'Aharon Appelfeld de l'hébreu...Ça me fait grandir. La traduction, c'est la lecture la plus intime d'une oeuvre. Avec lui, j'ai appris à tendre l'oreille pour saisir ce qui se cache derrière le langage. Aharon m'a ouvert au rapport à l'enfance. Je refusais de prendre la mesure de ce qui pouvait blesser une vie. Lui dit que, après Auschwitz, la littérature a pour mission de redonner confiance en l'homme. J'y souscris totalement. Propos recueillis par Yasmine You
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